Le récit des difficultés rencontrées lors de la demande de renouvellement de la carte d’identité (carte "ancien modèle" cartonnée, non sécurisée) pour des personnes nées hors de France ou dans une des anciennes colonies alimentent de plus en plus souvent l’actualité. Ces difficultés vont jusqu’à toucher des célébrités (par exemple une ancienne journaliste politique aux «yeux de velours») et les médias s’en font l’écho.
Selon la réglementation en vigueur (consultée sur: vosdroits.service-public.fr), il convient de fournir un: «Justificatif de nationalité française (sauf si le demandeur est né en France et que l'un au moins de ses parents est né en France).»
Il faut donc pour ces citoyens nés hors de France, un «certificat de nationalité française», mais comment se le procurer ? Toujours sur le site : vosdroits.service-public.fr on trouve :
copie intégrale de l'acte de naissance, selon la situation, de son père et/ou de sa mère,
tous documents la concernant et concernant son père et/ou sa mère justifiant de la possession d'état de français (tels que carte nationale d'identité, passeport, carte d'immatriculation consulaire, certificat de nationalité, livret militaire, carte d'électeur...) et éventuellement tous autres pièces utiles (en cas de naissance notamment à l'étranger et/ou de ses parents à l'étranger ou sur un territoire anciennement sous souveraineté française)
Derrière le jargon administratif, on imagine bien «le parcours du combattant». Les «requérants» se trouvent souvent face à la demande : «documents d’identité des grands parents» et là le cauchemar devient courtelinesque. Comment retrouver le livret de famille des grands parents nés en Algérie par exemple ? Une amie a pu, in fine, résoudre son problème et retrouver «sa» nationalité française, car elle est mariée à un «bon français» né en France !
Blague à part, chacun peut imaginer aisément le désarroi face à l’absurde : en plein débat sur l’identité nationale le malaise de ceux/celles qui doivent faire la preuve qu’ils n’usurpent pas une nationalité qui est pourtant la leur. Ces demandes sont de facto discriminantes par rapport aux Français nés sur le territoire (il y aurait donc deux sortes de Français – les uns « plus français » que les autres !).
Il est intéressant de voir le décalage entre l’esprit de la Constitution de 1793 (hélas jamais appliquée) et la réalité d’aujourd’hui !
(Constitution 1793 : Article 4. - Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis ; - Tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année - Y vit de son travail - Ou acquiert une propriété - Ou épouse une Française - Ou adopte un enfant - Ou nourrit un vieillard ; - Tout étranger enfin, qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l'humanité - Est admis à l'exercice des Droits de citoyen français.)
Les difficultés se sont apparemment accrues depuis janvier 2009 (Décret n°2005 et modifications successives). Face à la médiatisation différentes voix se sont levées pour souligner l’absurdité des «preuves» demandées. Il semblerait que depuis la mise en application de ces règles plus de 130 000 personnes se soient vu refusée leur demande de «certificat de nationalité».
A l’Assemblée Nationale les 12 et 19 janvier 2010 les Ministre de l’intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et le Secrétaire d'État à l’intérieur et aux collectivités territoriales, lors de la séance des questions au gouvernement, ont reconnu les difficultés administratives auxquelles sont confrontés certains citoyens face à des services départementaux qui peuvent exiger systématiquement un certificat de nationalité française. Ils ont précisé qu’une circulaire signée le 2-12-2009 avait été adressée aux préfets afin de clarifier la situation. Notamment il a été demandé que soit très largement appliquée la notion de possession d’état de Français.
Celle-ci précise notamment :
«qu’une attention particulière doit être apportée à ces situations. Au plan juridique, il a été donné instruction aux préfets d’appliquer largement le concept de "possession d’état de Français". Par conséquent, lorsqu’une personne dispose déjà d’une carte nationale d’identité et qu’elle en demande le renouvellement, dès lors qu’elle a toujours été reconnue comme française dans les actes de la vie courante, le renouvellement de sa carte d’identité ne doit pas poser de difficulté. Même lorsqu’elle est périmée, la carte nationale d’identité permet à son titulaire de certifier de son identité, sous réserve dans ce cas que la photo soit ressemblante. Elle n’est pas obligatoire.».
La morale de cette affaire est qu’il paraît très étonnant de devoir prendre des circulaires (sans valeur juridique) pour adapter des textes réglementaires dont une stricte application aboutit à des situations aberrantes. Face à un tel risque il convient de changer tout simplement la règle et de prendre des nouveaux textes opposables à tous qui permettent de garantir une application juste sur l’ensemble du territoire. Quand une norme produit autant d’incompréhension et de dégâts, il ne faut pas hésiter à la changer. À l’heure où il est de coutume de vouloir simplifier la vie des citoyens, la question ne devrait pas se poser.
L’état d'esprit actuel me parait , aussi sur ce point, monter une idée étroite de « l'identité française» ; j’en ai mal à la France.