jeudi 12 février 2009

Procès Tiberi : quatrième journée : les élus, la mairie, la permanence

La seconde semaine s’ouvre avec un certain suspense : aujourd’hui, les accusés les plus importants dont Xavière et Jean Tiberi seront interrogés. Les avocats qui, pour certains étaient allés vaquer à leurs autres affaires, reviennent ; la presse, malgré la présence d’Yvan Colonna aux Assises remplit ses bancs et dans le public, des supporters du célèbre couple. Une dame a même fait le voyage de Corse ! En bref : l’audience fait salle comble.


Cela ne trouble évidemment pas le Président qui commence par réorganiser la rangée des prévenus assis devant lui. Cela donne, de gauche de la barre : Jaqueline Mockriky, Xavière Tiberi, Jean Tiberi, Bardon, et Anne-Marie Affret, devant leurs conseils, et à droite de la barre, de gauche à droite, Raymond Nantien, Olivier Fabre, Mercier et Farida Sahnoune. Pourquoi remplacer à coté de Xavière, Olivier Fabre par Jacqueline Mockriky la fidèle collaboratrice de Jean Tiberi, celle qui n’a rien vu, rien entendu ? Sont-ce d’un côté les prévenus qui ont déjà fait des aveux, de l’autre ceux qui n’ont rien voulu lâcher ? Les voies du Président sont insondables.
Mais ce faisant, le président constate qu’il manque une prévenue, Madame Havre. Où est-elle ? On téléphone, on s’alarme, rien ! Madame Havre demeure invisible pendant toute l’audience. Mais assez de temps perdu, voici à la barre, Bernard Bardon, ancien collaborateur de Jean Tibéri, maire du 5eme, lorsque Jean Tiberi a succédé à Jacques Chirac à l’Hôtel de ville.

"UN MAIRE DE TRANSITION UNE POTICHE"
Les myopes ont derrière leurs lunettes, un regard d’enfant perdu, cela leur confère un certain charme. C’est le cas de Bernard Bardon. Il est de la race des éternels grands jeunes hommes, avec son épaisse chevelure noire et son air effaré d’être là. D’ailleurs, avant l’audience, où pendant les suspensions, il ne se mêle pas aux autres prévenus, il confère avec son conseil ou reste seul, appuyé à la balustrade du grand escalier. Pour un peu on le plaindrait. Mais basta ! Comme dirait Xavière. Bardon, ce n’est pas que ça : militant étudiant , il rencontre Tiberi en 1974 et colle ses pas dans les siens. Donc l’UDR puis le RPR. On lui confie le secteur de la jeunesse : à la Fédération de Paris puis au Conseil National. Monsieur Bardon n’a plus le temps d’étudier le droit, au bout de deux ans, il quitte la fac et devient agent administratif contractuel, puis officier municipal en 1980 chargé de la jeunesse et des sport, dans le 5e. Après la réforme qui donne un Maire à Paris, il est de 83 à 89, le collaborateur de Jean Tiberi qui est lui, maire du 5e, adjoint de Jacques Chirac et député. Aux élections suivantes dans le cinquième, il est sur la liste Tiberi. Il y retrouve Madame Affret, Madame Bach, Monsieur Baecht… Les mêmes qu’aujourd’hui, comme dit Xavière « on ne change pas une équipe qui gagne ». Elu, il sera Conseiller de Paris, collaborant avec l’adjoint en charge de la jeunesse et des sports.
Voici, Jacques Chirac, président, l’élection de Jean Tiberi à la Mairie de Paris. Pour le remplacer dans le 5e, Bardon est élu… Le parcours est jusqu’ici sans faute. Mais, n’est-ce pas une progression en trompe l’œil ?
A la barre, il apparaît soudain comme un homme totalement désabusé. Il dit de lui-même qu’il « était un maire de transition, une potiche. J’avais dans mon Conseil d’arrondissement, le maire de Paris également député, mon inexpérience à côté de lui était flagrante. Du reste l’administration, que ce soit à l’Hotel de Ville ou à la mairie du 5e le savait bien. J’étais mis en retrait ». Il cite de pathétiques exemples, des invitations de la Mairie du 5e où son nom ne figure pas, des inaugurations dans l’arrondissement où il ne peut pas prendre la parole. Alors il se cantonne dans le fonctionnement : crèches, Centre d’Action sociale, écoles…Et il dit que Bernard Nantien en le qualifiant de potiche, a exprimé le sentiment général.
Le bureau des élections ? Il n’y passait jamais, pourquoi faire ?. Il n’allait jamais non plus à la permanence de Madame Affret sauf pour demander des places pour les matches de foot. Lui avait un bureau mais pas de permanence.
- Mais enfin s’agace le président vous étiez le maire élu !
Bardon ne répond pas. Il explique que la permanence de Madame Affret, était aussi celle de Jean Tibéri comme parlementaire et que tout ce petit monde « vivait en autonomie ». Quant à lui, son bureau était occupé par Xavière Tiberi lorsqu’elle venait à la mairie et que lui n’y était pas, mais il précise : « La femme du Maire de Paris était chez elle partout ! ». Que Xavière et Anne-marie Affret soient décrites comme « les deux bras droits de Tiberi », il l’admet volontiers. Du reste, il ne voyait pas de limites aux compétences de la première adjointe. Après un temps de silence embarrassé, il ajoute « je ne voyais pas le moyen de m’y opposer. Cette équipe, ce fonctionnement a perduré. Il était comment dire « dans les murs ». Cette fameuse « permanence » apparaît peu à peu comme le centre vital de la mairie.
Sera-ce le système de défense de Bernard Bardon, celui qui consiste à dire : « Je n’avais aucun pouvoir, j’ai tout vu sans pouvoir faire quoique ce soit puisque je n’étais pas dedans ? ». A l’appui de cette thèse, le fait qu’il n’a choisi ni sa chef de cabinet, Jaqueline Mockriky, qui lui a été imposé directement de l’Hôtel de Ville, ni ses adjoints. Tout le monde prenait ses ordres là bas. « Par exemple les arbitrages budgétaires qui auraient du m’incomber étaient faits par madame Mockriky en accord avec Jean Tibéri » !
Quand éclate l’affaire, il subit cette « ambiance pesante, les perquisitions, les allées et venues des gendarmes, les camionnettes qui chargent les dossiers et la garde à vue. Monsieur Nantien s’est ouvert à moi, plutôt un appel au secours. Je lui ait dit « Vous connaissez mon poids ! ». Il était brisé par ce qui lui arrivait. Il a dû vouloir en parler avec Monsieur Grammond chef de cabinet de Jean Tibéri à l’Hôtel de Ville mais je ne me souviens pas s’il l’a réellement fait.
Ensuite les avocats des parties civiles lui demandent s’il a désigné les membres des commissions électorales le représentant et ses adjoints, s’il a attribué des logements, s’il a fait des interventions… C’est non chaque fois. Quant à remplacer l’équipe de Tibéri par la sienne, il affirme que c’était hors de question : « Je n’avais aucun moyen pour le faire et Tibéri reviendrait, je le savais ! ». Et la présence de Xavière Tiberi ? « Je la subissais ! ».
Aujourd’hui, Monsieur Bardon est directeur adjoint de la Maison de la France à Stockholm !

Avec Bardon, s’achève une première partie d’interrogatoire, celle des « petites mains », ceux qui étaient aux ordres. On y voit des militantes enthousiastes comme Farida Sahnoune, et Madame Havre, d’autres plus désabusés comme Bardon, des fonctionnaires zélés comme Jaqueline Mockriky et même Raymond Nantien si bourrelé des remords soit-il, ou Mercier dont on sent qu’elle était totalement dépassée, d’autres qui ont tracé leur chemin de bureau en bureau, à l’ombre des murs de la mairie du 5e comme Olivier Fabre. Si différents soient-ils, ils ont tous un point commun : ils étaient des obligés de Jean Tiberi. Est-ce peu courant ? Non probablement. Dans toutes les mairies, les édiles s’attachent des équipes. Mais dans le système Tiberi, on a bien vu que cet attachement se payait d’une acceptation de pratiques obscures et d’un silence…complice.

MILITANTE DE CHOC ET BILLEVESEES
La prestation de Xavière Tiberi, est attendue comme celle de la prima donna, et elle le sait. Donc, la voici à la barre, ramassée sur elle-même, repoussant son manteau trois-quarts sur les épaules, et d’un signe, portant sa main à l’oreille indiquant au Président qu’elle n’entend pas bien. A celui-ci, qui lui demande de définir son rôle, elle rétorque bien campée sur les deux jambes :
« On me prête un pouvoir que je n’ai jamais eu. Je suis une militante de choc. Le reste, ce sont des fariboles ! J’ai entendu tellement de mensonges que j’en ai des pulsations….Je suis sur le terrain, un électron libre depuis plus de 50 ans ! Quand Tiberi voulait être maire de Paris en 1994, j’ai sillonné les rues de Paris avec les élus, je suis allée dans les maisons de retraites, dans les logements sociaux. Mais ce n’est même pas moi qui ait constitué un comité de soutien. »
Curieusement, elle dit « Tiberi » plus tard « Jean » mais rarement « mon mari »…
Elle explique qu’une fois son époux élu, elle avait de multiples obligations de représentation et qu’elle n’avait pas le temps d’aller dans le 5e sinon de temps à autre.
- Qui était votre chauffeur ?
- Je n’avais pas de chauffeur, je n’avais pas de bureau, je rendais simplement visite à tout le monde. Mensonges ! Mensonges ! Mensonges ! Deux personnes m’accusent l’un parce que Jean a été trop gentil avec lui et l’autre parce qu’il voulait être calife à la place du Calife ! »
Elle désigne ainsi Nantien et Bardon, dont on lui fait observer qu’il était en effet calife à la place du Calife puisqu’il était maire du 5e.
Elle hausse les épaules. « Bardon, c’est n’importe quoi ! J’allais le mercredi m’occuper des crèches. Les crèches ça m’intéresse ».
Et puis du coq à l’âne, elle lance : « Tiberi est parti de la mairie de Paris, plus pauvre qu’il n’y est rentré ! »
Enfin, après qu’on lui ait demandé si elle connaissait Olivier Fabre (« Je le croisais, toujours très poli… », elle dit que lorsqu’elle arrivait, le courrier était déjà dispatché ! Lorsqu’on lui demande son avis sur madame Mercier : « Elle n‘était pas ma secrétaire ! Elle a toujours fort bien fait son travail, aimable compétente, je l’entendais répondre au téléphone toujours très bien. ».
Le Président voudrait comprendre la différence entre la permanence et les bureaux. Ce n’est pas très clair dans son esprit, ni dans le nôtre d’ailleurs. Mais apparemment, dans l’esprit de l’équipe de Tiberi, ça n’a rien de compliqué !
Xavière explique qu’il y a une permanence politique et une permanence de l’élu et une salle d’attente. Elle trace dans les airs une configuration idéale. La permanence du maire celle de l’élu, « les militants viennent y coller des enveloppes, pour les invitations aux expositions aux concerts… ». Xavière précise : « c’était une équipe extraordinaire Mr Mondain par exemple très cultivé, très méticuleux est venu m’aider à la Mairie de Paris. Je ne sais pas ce qu’il faisait dans le cinquième, Homme à tout faire ? Ah non sûrement pas ! ».
Madame Mockriky ? Elle est arrivée très jeune mais c’est une grande travailleuse. Je ne l’ai jamais surprise à faire autre chose que son travail. Elle n’a pas fait carrière (sic) de secrétaire, elle est devenue chef de cabinet.
Madame Affret ? « Ah, Madame Affret ! Elle a consacré sa vie au cinquième arrondissement ! Tous les jours, samedi et dimanche compris ! Elle est charitable, intègre,, elle est partout. Elle est née avec le sens de la communication. Je l’accompagnais dans les rues, chez les commerçants, tout le monde la connaît !
Xavière tressant des couronnes à son amie est brutalement interrompue par le président :
- On a dit que vous vous parliez en corse et en italien
- Ah mais le corse et l’italien n’ont rien à voir ! Il n’y a pas de connivence dans le parti de mon mari. Mais il suffit qu’on ait un nom en I, ou en A pour être suspect !
- Justement madame Affret, remarque le président, un peu dépassé par le torrent Xavière, madame Affret c’est ET…
Mais Xavière ne l’entend pas. Elle rappelle ces moments agréables où pour oublier un peu le vrombissement de « la ruche », elle et Anne Marie Affret s’isolaient pour boire un thé dans la petite cuisine qui jouxte la permanence.
- Et rue Vésale vous y alliez ?
- Ah du matin au soir !. J’étais une militante de base ! Et du coup j’ai été le maillon faible qu’il fallait abattre.
Puis elle demande à boire, annonce que sa tension est à 18 ! Jaqueline Mockriky qui même au tribunal n’oublie pas son rôle, lui sert à boire.
Le Président après lui avoir demandé comment elle a vécu l’affaire, l’entend répondre que la seule personne qui n’ait pas tourné le dos à Jean, est le Président Sarkozy et qu’elle-même a été traînée dans la boue. Alors, il l’abandonne aux avocats de la partie civile.
Ceux-ci lui citent des réflexions des autres prévenus tendant à prouver qu’elle avait un poids important dans la gestion de la mairie du cinquième. Elle s’insurge :
- Billevesées ! Mensonges ! Comment pourrais-je diriger une mairie ? Il y a des commissions, des prud’hommes, des syndicats, des fonctionnaires ! (sic !) Et les fonctionnaires sont les fonctionnaires ! Ce sont des mensonges proférés par les juges et les gendarmes. Je ne suis rien, je suis une subalterne. Et je ne vois pas pourquoi je n’aurais pas pu aller saluer des gens que je connais depuis trente ans !
- Alors dit l’un des avocats, c’est une cabale ?
- Cabale ? Mensonges, peu importe ! Appelez ça comme vous voudrez !
- Et les secrétaires généraux, vous les avez tous connus. Vous avez parlé de tous sauf de Madame Tremblay !
- Ah Madame Tremblay, parlons-en ! Elle pleurait tous les matins !

Et puis Madame Tiberi Xavière, va se rasseoir. Le président décide une suspension de séance. Dans le hall, deux avocats de la défense se retrouvent.
- Alors dit l’un qui vient d’arriver, comment ça s’est passé ?
- Moyen, dit l’autre, très moyen !

PREMIERE ADJOINTE 24H24
Voici venu le tour d’Anne-Marie Affret, elle est au cœur du système, du moins c’est ce que tous les prévenus ont déclaré. Elle va, à son corps défendant, tout –ou presque corroborer. Cette petite femme, dure à la tâche, volontaire énergique se cramponne à la barre. Comme la plupart des prévenus, sa formation est minimale : vendeuse en parfumerie rue Mouffetard et militante UDR puis RPR. Elle rencontre Jean Tiberi et fait campagne pour lui. Elle explique et c’est confus qu’elle « n’avait que ça à faire »
Elle est sur sa liste en 1983, et grimpe les échelons : conseillère d’arrondissement puis adjointe. Une opération des coronaires l’arrête trois mois et ensuite elle aura une « petite pension d’invalidité ». Invalide mais pas ingambe, elle parcourt l’arrondissement, mobilise les commerçants : « Monsieur Tibéri m’a nommée adjointe car j’avais besoin d’un salaire ! ». En 1984, elle devient 1ere adjointe ce qu’elle est encore aujourd’hui. Que Jean-Charles Bardon ou Jean Tiberi soit maire, « j’avais toujours affaire à Jean Tibéri. C’est naturel ! »
- Naturel ne signifie pas automatique observe le Président.
- Si dans certains cas rétorque-t-elle.
Sur ses relations avec le personnel de la Mairie, elle dit avoir toujours eu de bonnes relations avec tout le monde, avec le Secrétaire général Raymond Nantien « on dînait ensemble et même une année, nous sommes partis en vacance ensemble en tout bien tout honneur et avec ma mère ! »…Mais d’après elle, il était très minutieux, tout devait passer par lui, « tous les papiers ». Elle n’allait jamais au bureau des élections, elle connaissait vaguement Olivier Fabre qui descendait à sa permanence pour demander des places de foot.
Le mot « permanence » lâché, le Président s’en empare. Il veut absolument connaître la configuration géographique du lieu et son sens : est-ce le bureau de madame Affret ou la permanence de l’élue ? Les explications de l’intéressée sont si longues et confuses que les minutes qui passent ne servent qu’à accroître la confusion. Il ressort malgré tout que c’est cœur du système. Le Président finalement renonce et revient aux relations qu’elle entretient avec l’ensemble de la mairie « Bonnes, excellente » assure-t-elle. Ajoutant qu’il n’y a qu’à le demander aux 60 000 habitants de l’arrondissement ! « Ils ne seront pas tous à la confrontation » soupire le Président.
- Que pensez-vous de la remarque de Monsieur Nantien, à savoir vous étiez avec Xavière Tiberi les deux bras droits de Jean Tiberi ?
- Je ne vois pas ! Je suis élue, je travaille vingt quatre heures sur vingt quatre, je me dévoue aux électeurs, aux gens âgés…Un flot de paroles submerge l’audience, le président a du mal à faire barrage.
- Madame Affret de détournez pas les questions !
- Et madame Tibéri que faisait-elle ?
- Elle venait m’aider pour les crèches. Mais pas tout le temps, moi j’étais beaucoup dans la rue à voir les commerçants…Et le flot repart sur les bonnes, les excellentes relations avec les électeurs…Et si elle a un bureau, ce n’est pas vraiment le sien mais comme elle est là tout le temps, il lui faut un endroit.
Parfois, on hésite. Anne-Marie Affret noie-t-elle le poisson ou bien est-elle vraiment une bavarde compulsive ? Elle parle, se contredit, change de sujet, s’arrête, repart..Ainsi sur Annick Mercier :
- Elle n’était pas ma secrétaire, elle travaillait pour la mairie. Elle gérait l’emploi du temps, le mien puis elle répondait au téléphone et classait toutes les demandes d’interventions. Elle faisait le courrier. Moi je ne sais pas taper à la machine et je ne signe rien. La seule délégation que j’ai c’est pour les certificats d’hébergement !
Puis elle parle de son interrogatoire par le juge d’instruction, de la difficulté d’être une femme seule, de sa santé…Le Président lève la main :
- Le Tribunal est fatigué ! on ne comprend plus rien. Quelle est l’activité de l’élu, quelle est celle de la mairie ?
- Il y a trois permanences…
- Ah non ! Maintenant, nous nous retrouvons avec trois permanences ? Une suffit.
- Mais Monsieur le président, c’est trois par semaine, il y a le mercredi, le jour de la petite enfance avec Madame Tiberi…
Autres explications, elle admet enfin un distingo entre permanence et bureau et la présence à celui-ci de Murielle Aja, sa nièce, Annick Mercier, Patrick Mondain et un huissier Lucien Bertoliatti. Elle dit qu’elle voyait très peu Xavière Tiberi !
- Vous fait-elle peur ? Vous avez dit quelque chose à ce sujet au Juge d’instruction.
- Je n’ai peur de rien, je ne m’agenouille que devant Dieu.
Pour la première fois, madame Affret ne rajoute rien et la salle souffle un peu.
Mais lorsqu’on évoque la perquisition à la mairie et chez elle madame Affret redémarre, aussitôt arrêtée par le Président :
- On vous désigne comme la cheville ouvrière…
- Je travaille beaucoup et je suis contente de faire ce travail pour les citoyens pauvres de cet arrondissement (s’ensuit une description sociologique de l’arrondissement d’où il ressort qu’il y a des pauvres, plus qu’on ne croit). Je suis ravie d’être comme je suis, j’ai du caractère et ça m’a servi. J’ai traversé des épreuves et je les ai surmontées, maintenant j’ai bien réussi !
On évoque ensuite les relations avec Jean Tiberi. Oui, il lui faisait confiance, oui c’était carte blanche si on veut mais elle rendait compte de temps en temps… Mais elle n’était pas une amie du couple : « nous ne sommes jamais partis en vacance ensemble par exemple ».
La mémoire de Madame Affret vacille parfois sur les dates, les lieux, les réunions bref, elle travaillait au service de tous et du maire en particulier mais elle n’était rien et n’avait aucun pouvoir !

LE MAIRE
Son patron Jean Tiberi lui succède. Il se tient droit, les mains croisées derrière le dos et le ton qu’il prend est celui de l’élu de haut niveau qui consent à tout expliquer pour éclairer le malentendu qui l’amène parmi les prévenus. Il est toute indulgence pour son personnel, il donne sa confiance sans restriction et rappelle qu’il a été élu et réélu avec suffisamment d’avance pour que cette histoire de faux électeurs n’ait aucun sens ! Sur le pouvoir qu’il exerçait sur la mairie du 5e, il explique que comme parlementaire et maire de Paris, il était déjà débordé et se reposait justement sur Bardon dont il pensait qu’il jouerait le jeu. « Je crois qu’il n’a pas compris son rôle. » conclut-il. Sur Anne-Marie Affret, il est plus précis :
- Je la connais depuis longtemps, j’ai confiance en elle car elle travaille à temps plein ce que bien des élus ne font ou ne peuvent pas faire. Mais je ne lui ai jamais donné d’ordres, ou d’indications de choses à faire ou ne pas faire.
- Vous lui laissiez une liberté totale ?
- Totale ! Elle m’informait, elle connaissait mes priorités. Le cinquième est l’arrondissement sur lequel je veille le plus !
Il n’est jamais venu à la permanence, il connaît à peine tout le petit monde qui gravite autours. Quant à Monsieur Nantien, il ne lui a jamais demandé de revenir, « C’est au contraire, lui qui m’a sollicité. Il voulait le logement de fonction. C’est naturel ! ».Le président laisse passer de longs silences. Peu à peu Jean Tibéri est moins détendu, il se passe la main sur le visage, boutonne et déboutonne sa veste.
Le Président revient sur ses relations avec Madame Affret et insiste sur la liberté dont elle jouissait.
- Elle savait tout ce qu’il fallait faire, inutile de me le demander ou de me dire ce qu’elle faisait, ça allait de soi ! Elle me rendait compte oralement, nous nous voyions sur le terrain, les week end.
Ensuite, il défend sa femme : « Mon bras droit, ma femme ? Je ne comprends pas. Elle était militante, elle allait dans la rue avec Madame Affret. Parler d’omniprésence est une contre-vérité, on laisse penser cela pour se disculper. Elle intervenait très peu, et comme épouse du Maire elle me représentait.
Finalement on en vient à l’affaire et ce qui s’est passé lorsqu’elle a éclaté :
- C’était un drame, j’étais abasourdi ! Même si je venais peu, j’étais au conseil d’arrondissement, Raymond Nantien aurait pu m’en parler !
- Mais observe le président, vous n’avez pas demandé des comptes, diligenté une enquête interne ?
- Je m’en suis bien gardé. C’aurait été m’immiscer dans les affaires de l’administration. Toute intervention aurait été interprétée, je me suis gardé de toute démarche écrite ou orale. J’étais peiné pour ceux des employés qui vivaient cette épreuve mais je ne pouvais faire aucune démarche à partir du moment où l’enquête a démarré ! Il fallait préserver l’indépendance de la justice !
C’est le système de Jean Tibéri : faisant confiance à de fidèles collaborateurs, il a été consterné par cette affaire mais a gardé le silence…Ceci mise à part, il a rappelé tout de même à quel point il a été un bon élu, il a énuméré ses réalisations et les bonnes relations qu’il entretient avec ses administrés…A plusieurs reprises, un discours de campagne maintes fois répété.