mercredi 23 mars 2011

49ème anniversaire de la proclamation du cessez le feu en Algérie à la mairie du 5ème, 19 mars 2011


L'affluence ces matins de commémoration est rarement au rendez-vous. Pour beaucoup il paraît inutile de ressasser éternellement ces vieilles histoires de combattants. Au fil des ans la jeunesse a quasi disparu de ces manifestations alors que ces cérémonies de mémoire sont l'occasion de regarder en face notre histoire, de comprendre ce qui nous unie, ce qui nous oppose, de trouver les réponses à ces "pourquoi" qui sont encore souvent tabous dans les repas familiaux, de permettre un partage entre les plus jeunes et les anciens qui ont vécu ces événements.

Au moment où notre pays s'engage dans un nouveau conflit, il est indispensable que ces moments soient l'occasion d'analyser, de comprendre, dans le respect de chacun et en oubliant ses rancœurs, le pourquoi de ces conflits qui ont couté et coutent encore à ceux qui ont pris parti pour l'un ou l'autre camp et par ricochet à leurs enfants et petits-enfants.

Nous ne pouvons donc que saluer la proposition de Lyne Cohen-Solal faites ce 19 Mars 2011 pour qu'une exposition pédagogique et historique soit accueillie à la Mairie du 5ème au 4ème trimestre 2011.
Mais cette exposition n'aura d'utilité que si elle est construite dans un esprit de transmission et de partage intergénérationnel. Aussi J'espère que ce projet sera construit avec les professeurs de l'arrondissement et que ceux-ci, qui ont su avec tant d'intelligence intéresser leurs élèves à l'histoire des enfants juifs "raflés" dans nos écoles et lycées, sauront les mobiliser sur un tel projet.

Discours prononcé par
Madame Lyne Cohen-Solal,
Adjointe au Maire de Paris et Conseillère du 5ème,
représentant Bertrand Delanoë, Maire de Paris,


Mesdames, Messieurs,
Monsieur le Président du comité du 5ème arrondissement de la FNACA,
Chers amis,

Au nom de Bertrand Delanoë, Maire de Paris que je représente ici ce matin, je vous remercie très vivement de votre présence pour cette cérémonie devant le monument aux morts de notre arrondissement.
Lorsqu’en 1954 s’ouvre un conflit dont on ne dit pas le nom, des jeunes gens, les « appelés » franchissent la Méditerranée pour accomplir leur devoir de citoyens, défendre leur pays les armes à la mains. A cette époque, il ne s’agit officiellement que d’une opération de « maintien de l’ordre ». Rappelons nous que les autorités françaises nommaient « la pacification » ces mouvements de soldats.
Cependant, et assez rapidement, la vérité de la guerre, d’une véritable guerre se fait jour en France. A partir d’août 1955, 60 000 jeunes récemment libérés se trouvent « rappelés » et 180 000 « libérables » sont maintenus sous les drapeaux. Les effectifs atteignent alors près de 400 000 hommes, dont de nombreux pères de famille, et le service militaire se voit bientôt étendu à 30 mois, deux ans et demi d’obligation les armes à la main sur un territoire mal connu.
Au bout de huit années difficiles qui verront l’agonie et la fin de la IVème République, ce conflit aura fait 25 000 tués, 65 000 blessés français et 205 000 morts algériens.

En ce 49ème anniversaire de la proclamation du cessez le feu en Algérie, il nous revient ce matin d’abord de rendre hommage à toutes les victimes et à tous les combattants de cette guerre niée comme telle, puis reconnue par le Gouvernement Jospin. Il faut aussi nous rappeler que depuis sa création, la FNACA avait pourtant souligné l’inutilité de cette guerre et a accueilli avec soulagement le cessez-le-feu conclu le 19 mars 1962. De son côté, l’OAS refusa l’arrêt des combats et n’hésita pas le 28 mars suivant à plastiquer le siège de la Fédération pour lui faire payer « le prix de sa clairvoyance » comme le disait alors Martinet.
Toute une génération et bien au-delà a été marquée, déchirée et traumatisée par la guerre d’Algérie, par les violences, par la mort. Je parle ici des soldats, des combattants, bien entendu, mais aussi de ceux qui ont eu à souffrir plus indirectement de cette guerre à cette époque comme aujourd’hui encore.

Il y a quelques années, Bertrand DELANOË, Maire de Paris, a souhaité donner le nom de « place du 19 mars 1962 » à une place de la Capitale, afin que Paris signifie officiellement qu’elle n’oublie pas ces années si douloureuses, ni surtout tous ceux qui en ont souffert dans leur corps et dans leur âme.
Le 19 mars 1962, date anniversaire du cessez-le-feu en Algérie, est donc devenue une date historique pour notre pays, une date qui a un sens, pour nous comme pour vous. Cette date rappelle le soulagement de tous ceux qui vivaient ou survivaient dans l’inquiétude, l’inhumanité et l’horreur de la guerre. Ce 19 mars 1962, ils entrevoyaient enfin une forme de soulagement après tant de tumultes. Ce répit n’était pas pour autant la paix, hélas ! Ce fut d’abord l’obligation de ramasser les morts, puis de reconstruire des vies sur place ou ailleurs… l’ensemble des manifestations prévues lors de cette journée à Paris contribue à le rappeler.
En ce 49ème anniversaire de la proclamation du cessez le feu en Algérie, tout en vous rappelant l’importance que revêt pour moi de venir ici, à vos côtés, au cœur du 5ème pour vivre avec vous, comme d’habitude, ce moment officiel d’émotion et de souvenir, je tiens à réaffirmer une nouvelle fois que personne en 1962 n’est sorti indemne de cette guerre d’Algérie !!!, vous le savez aussi bien que moi, et que nous pourrions mesurer aujourd’hui encore combien les traumatismes sont encore sensibles ici comme là-bas.
Ce message, nous devons tous le redire pour nos enfants et nos petits enfants qui n’ont pas connu ces horreurs sur notre territoire mais qui vivent avec cet héritage. Pour eux, pour les aider à l’affronter, nous devons assumer notre histoire, la regarder en face, sans exclure ni condamner quiconque a priori. Nous devons avant tout analyser, comprendre ce que représenta cette guerre pour la France, l’Europe, comme pour l’Algérie et le Maghreb. Nous devons faire en sorte, toujours, que l’ensemble des acteurs de ce drame d’hier comme d’aujourd’hui, soit concerné par des réflexions et manifestations de souvenir de notre pays.
Pour ce faire, je propose qu’en octobre 2011, ici en la mairie du 5ème, dans cette maison de l’ensemble des habitants de notre arrondissement, puisse enfin être accueillie une exposition pédagogique et historique pour relayer notre message. Car si nous devons savoir tourner la page, nous ne pouvons pas oublier ce qui s’est passé et pourquoi tout cela a pu se passer afin de vivre plus sereinement ensemble aujourd’hui. Je vous remercie