samedi 15 novembre 2014

Tour Triangle, Exposition universelle et Jeux Olympiques : Paris est-elle encore capable d’audace, de créativité et d’ambition ?












Paris est-elle encore capable d’audace, de créativité et d’ambition, comme disait notre récent voisin dans le 5ème, Bertrand Delanoë, lorsqu’il était Maire de Paris ? 
Deux dossiers vont constituer un test à l’égard de ces enjeux pour la majorité municipale. 



Le projet de tour Triangle dans le Parc des expositions du 15ème arrondissement

D’abord, le débat et le vote, lundi 17 et mardi 18 novembre, sur le projet de tour Triangle dans le Parc des expositions du 15ème. Pour l’architecte Christian de Portzampac, «il est crucial, en temps de crise, de faire prospérer l’apparition d’élans vers le futur» (Les Echos, 13 novembre). 

Pourtant, l’alliance conservatrice de la droite parisienne, qui lança Beaugrenelle ou La Défense, et des écologistes freine. Les parisiens, traumatisés par la tour Montparnasse, sont dubitatifs. Des pétitions contradictoires s’affrontent. 
Malgré tout, la construction d’un tel bâtiment pourrait permettre de montrer aux yeux du monde que Paris est une ville qui bouge qui ne repose pas que sur son patrimoine et ses musées et qu’elle est prête à affronter le XXIème siècle. 



Ensuite, l’organisation d’une Exposition universelle et des Jeux Olympiques. Trois cas de figure se présentent : 


- Et l’Exposition universelle, et les Jeux Olympiques 

C’est la position d’une quinzaine d’élus socialistes franciliens (dont Claude Bartolone et Jean-Paul Huchon) affichée le 25 septembre. Projet de dimension nationale «mobilisateur» et le «plus beau des baptêmes» pour la Métropole du Grand Paris en construction, levier économique puissant et créateur d’un «sentiment indicible de dynamisme», ces élus se réclament même du Général de Gaulle pour rappeler que «la France ne peut être la France sans grandeur». 

Cette ambition est soutenue par le Premier ministre : «Je vois dans la candidature à l’Exposition universelle de 2025 une magnifique opportunité pour l’image dans le monde du Grand Paris et de la France», a déclaré Manuel Valls à l’occasion d’un déplacement à Créteil, le 13 octobre 2014, sur le thème du Grand Paris, en précisant que «l’État sera au rendez-vous de cette grande ambition». 

Le 6 novembre, le Président de la République a appuyé ce doublé : «Je suis favorable à ce que la ville de Paris, si elle le décide, présente sa candidature pour les Jeux Olympiques. C'est très important parce que ça sera un moment de ferveur et surtout ça fera plein d'équipements avant, plein d'emplois, plein d'industries qui pourront se montrer». 

Guy Drut est également allé dans ce sens : «il est ridicule d’opposer une candidature aux Jeux Olympiques à une candidature à l’exposition universelle. Les deux sont complémentaires et nous devons nous aider mutuellement», soulignant qu’il fallait promouvoir la France sans se diviser. 

La Ville de Paris est beaucoup plus prudente. L’équipe municipale reste traumatisée par l’échec de 2012 qui a suivi ceux de 1992 et 2008. Ses réticences se fondent sur la soutenabilité financière du projet et sur son acceptabilité par les citoyens. Or, cette question n’a jamais été évoquée lors des élections municipales de mars 2014. 


- Ou l’Exposition universelle, ou les Jeux Olympiques 

Pour Anne Hidalgo, Paris, qui a l’expérience de trois candidatures et de trois échecs, ne peut poser une simple candidature de témoignage. Elle donnera une réponse définitive en janvier 2015

Cette prudence est partagée par le député du 5ème arrondissement. L'ancien Premier Ministre François Fillon (UMP) a déclaré sur RTL que «compte tenu de la situation économique de notre pays, (...) l'expérience des JO dans plusieurs capitales ne me rend pas enthousiaste». «Je choisirais plutôt l'exposition universelle, un projet bien construit qui n'a pas l'air d'être coûteux sur le plan des infrastructures», a-t-il développé. «En tout cas, il ne faut certainement pas les deux». 

C’est également le sentiment qui se dégage à la lecture du rapport d’information de l’Assemblée nationale sur la candidature de la France à l’exposition universelle de 2025, présenté par le député-maire UMP de Neuilly Jean-Christophe Fromantin et le député socialiste Bruno Le Roux. Comme «la garantie d’une mobilisation populaire permanente pour deux projets qui auraient lieu, de surcroît, à des dates extrêmement rapprochées avec tous deux le Grand Paris comme centre névralgique est de fait très incertaine», le rapport estime que «La candidature à l’exposition universelle semble, à première vue, aujourd’hui accueillie bien plus favorablement par les Français qu’une candidature olympique et reçoit de surcroît l’assentiment de la Ville de Paris, qui a pris en revanche ses distances avec le projet olympique», tout en jugeant que l’exposition universelle et les Jeux Olympiques n’étaient pas «des manifestations adverses dans l’absolu». 


- Ni l’Exposition universelle, ni les Jeux Olympiques 

Il faut enfin rappeler que la France n’est pas décideur de ces deux évènements. Nous pourrions n’avoir ni l’un ni l’autre. 

Pour les Jeux Olympiques, c’est le Comité international olympique qui choisira le pays hôte. 
Anne Hidalgo a mis la barre très haut en réclamant «éthique et transparence» dans le processus de décision, surtout quand on se souvient des conditions controversées du choix des JO de 2012 (voir le documentaire éclairant de la BBC intitulé "Panorama : Buying the Games" diffusé en août 2004), un «modèle économique nouveau» pour éviter les ‘éléphants blancs’, infrastructures ruineuses et inutilisées après les JO, ou encore en parlant «d’excellence environnementale», une référence à l’anti-modèle de Sotchi. 

Pour l’exposition universelle, il s’agit d’une candidature unilatérale des Etats qui souhaitent les organiser. Le Bureau international des expositions, créé par la convention de 1928, se chargeant d’arbitrer entre plusieurs projets concurrents, par un vote des Etats. 

La France sera candidate. Mais elle devra présenter un solide dossier. Dans celui-ci, ce n’est pas la concomitance JO / Expo qui sera décisive mais les capacités propres de la Ville-capitale, et de la Métropole, à accueillir des millions de visiteurs. L’offre d’hébergement devra être améliorée. Surtout, la liaison aéroportuaire avec Roissy, actuellement «déplorable» selon le rapport parlementaire, rend indispensable l’achèvement en 2023 du projet CDG Express (ligne directe avec la gare de l’Est en terminus) et du Grand Paris Express. 

Les engagements de l’Etat, pris dans le communiqué du conseil des ministres du 9 juillet 2014 et discours du Premier ministre du 13 octobre 2014 annonçant 1,4 milliards d’euros dans le cadre du contrat de plan 2015-2020, représentent un soutien indispensable à ce projet. La question des mobilités est centrale car le projet d’Exposition universelle pourrait être «polycentrique», de la métropole capitale aux métropoles régionales. 


Quant à la question de la concomitance des deux évènements, il faut être pragmatique. Rien n’interdit que Paris candidate aux deux événements. Le tout est que les deux projets ne donnent pas l’impression d’entrer en concurrence. Le dossier de candidature aux Jeux Olympiques de 2024 doit être déposé en septembre ou en octobre 2015. Cependant, rien n’oblige à candidater pour 2024. Peut-être serait-il préférable de viser les Jeux Olympiques de 2028 en bénéficiant des acquis et des infrastructures de l’Exposition universelle de 2025... 

Un sujet au long cours qu’Etienne Dolet suivra avec soin !