Un banc à son nom au Jardin des plantes
Il a une stature rabelaisienne, les cheveux longs, porte un large tablier vert, un gilet noir et une montre de gousset. Il fume la pipe et, comme qui sait manier la bêche, ne mâche pas ses mots : "Le Muséum est une danseuse pour l'Etat." Claude Bureaux, quarante-cinq ans de maison, dont vingt-trois ans en tant que chef jardinier, n'a "jamais vu autant de travaux" : le Jardin des plantes de Paris, classé monument historique, qui l'emploie, se refait une beauté. A grands frais. Comme les établissements placés sous la coupe du Muséum national d'histoire naturelle, le Musée de l'homme et le zoo de Vincennes (tous deux fermés pour rénovation). Des grands travaux qui courent jusqu'en 2017. Mais tout cela coûte cher. Très cher. On parle d'une enveloppe globale de 452 millions d'euros, dont 130 millions pour le Jardin et ses Galeries (herbier, minéralogie, paléontologie, etc.).
"Le Muséum s'est donc engagé, depuis trois ans, dans une démarche active de développement du mécénat", précise Florence Mahé-Dombis, la responsable des partenariats. L'idée du "Parrainez un banc" à l'anglo-saxonne vient de là. La campagne débutera le 7 septembre. Comme au Kensington Gardens de Londres ou à Central Park à New York - où l'"adoption des bancs" date des années 1980 -, le "parrain" aura une plaque à son nom sur "son" banc. Les 255 nouveaux bancs, en cours d'installation sous la double allée de platanes centenaires, sont à parrainer, individuellement, en famille, entre copains, au moyen de 1 800 euros par banc simple et 3 600 euros pour le banc double. L'emplacement est au choix (selon disponibilité) comme les quelques mots que chacun pourra graver sur le métal à côté de son nom.
Un concours a été lancé en 2006 pour la création d'une ligne de mobilier et de kiosques en harmonie avec le génie du lieu. En s'inspirant des squelettes de cétacés et dinosaures exposés dans les galeries du Muséum, les jeunes lauréats, Benoît Le Thierry d'Ennequin, Yves Pagès et Virginie Mira, de l'agence Explorations architecture, l'ont emporté. La découpe minimaliste au laser, le cintrage de l'acier, matériau durable et recyclable, ont fait mouche, ajoutant une note moderne à l'ancien Jardin du Roy.
Créé en 1640, dans l'esprit des Lumières, celui qui deviendra, à la Révolution française, le Jardin des plantes reçoit six millions de visiteurs par an. Son emplacement, au pied de la gare d'Austerlitz, entre la Seine et la rue Geoffroy-Saint-Hilaire, est stratégique. Ce qui explique son vaste programme de restauration et d'entretien. Les quatre serres, fermées depuis 2004 - entièrement démontées -, devraient rouvrir au printemps 2010, après un investissement de 6 millions d'euros. En 2006, les allées du jardin, au béton défoncé, ont été réensablées comme autrefois, et le réseau d'adduction d'"eau de Seine" pour l'arrosage, qui datait de Napoléon III, est rénové : le tout pour 2,5 millions d'euros.
PHILTRE D'AMOUR
Dans le jardin de l'Ecole de botanique, rouvert, le repiquage des 3 000 plantes en plates-bandes devrait être achevé en avril 2010, avec panneaux didactiques. "L'objectif étant de montrer, à travers 200 familles parmi les plus représentées, la diversité des genres et espèces", précise Eric Joly, directeur du Jardin des plantes. On y vient identifier les fleurs ou écouter, gracieusement, "Les Propos de jardinier", in situ, chaque jeudi, d'avril à octobre, à 15 heures, distillés par les maîtres en art des jardins.
Il faut entendre Claude Bureaux, intarissable sur le potager destiné aux enfants, ou la mandragore utilisée comme philtre d'amour, et qu'il évite désormais d'étiqueter pour ne pas qu'elle soit volée. L'ancien chef jardinier l'affirme, septembre et ses asters et grandes sauges en fleur s'annonce somptueux.
Florence Evin
Article paru dans l'édition du 27.08.09. du Monde