jeudi 4 juin 2009

ETIENNE DOLET RETROUVE LE COLLEGE DE FRANCE

Qui se souvient de l’abbé Danès, professeur de grec, de Martin Akakia dit Sans-Malice enseignant la médecine et de Jean Cinq-Arbres ou Quinquarborens spécialiste d’hébreux et de syriaque ? Tout comme Agathias Guidacerius ou Paul Paradisi qui avaient choisi l’hébreux, et Jacques Toussaint et Jean Strazel , hellénistes. Quant à Guillaume Postel, il savait des langues orientales autres que l’hébreux… Qui se souvient encore de ces hommes lettrés au milieu de l’ignorance du siècle qui m’a vu naître ?

UNE IDEE MAGNIFIQUE DE FRANCOIS Ier
J’ai marché le long de la rue Saint-Jacques dans la puanteur et le bruit de vos carrosses de métal, et je me suis réfugié au Collège de France. C’est là que j’ai retrouvé la mémoire de ces hommes réunis par François 1er pour fonder un collège de lecteurs royaux à la demande de son « maître de librairie », Guillaume Budé qu’aucun latiniste digne de ce nom ne peut ignorer. Chacun, ignare ou savant pourra venir gratuitement apprendre et découvrir un savoir en train de naître. En 1539, le roi décide que « ses lecteurs royaux doivent avoir "beau et grand collège, accompagné d'une belle et somptueuse église, avec autres édiffices et bastiments." Or le souverain meurt avant d’avoir réalisé ce projet.
Le Collège de France installé tout d’abord dans deux Maisons où logeaient des étudiants de Bretagne et du Nord- que Henri II avait tout simplement réquisitionnées- puis d’édit royaux en constructions inachevées, le collège fut réellement ce qu’il est aujourd’hui au XIXe !!! Pour en savoir plus je vous propose d’aller voir directement le site http://www.college-de-france.fr/, on y trouve tout y compris une chronologie très précise où l’on voit que la vocation du Quartier latin est ancrée dans la terre de la Montagne Sainte-Geneviève depuis plusieurs millénaires…


UN LIEU UNIQUE AU MONDE…..
Alors aujourd’hui, le Collège de France est l’endroit où, malgré mon évaporation en fumée voici 500 ans je me sens à l’aise. Les murs bougent, les salles grandissent se modifient nous l’avons vu ? Tout comme les hommes et leur savoir. Je marche dans les couloirs, j’avoue que je ne comprends pas très bien lorsque je vois ces machines, ces cornues, ces éprouvettes mais peu importe, de la bibliothèque aux archives, de la grande salle de conférence au bureau du président je sais que je suis en climat de confiance. On parle toutes les langues ici parce que les savants du monde entier affluent non seulement parce qu’ils trouvent un accueil fraternel mais aussi parce qu’ils sont au cœur du Quartier du savoir : tout près à quelques minutes de marche il y a Paris V, Paris VI (la Sorbonne), Normal-Sup, l’Ecole de Physique Chimie de Paris, l’Institut Curie…J’en oublie. Sur Internet – cette invention me donne le tournis mais je sais que j’arriverai moi-aussi à aller sur la Toile un jour- il y a 120 000 auditeurs pour les Leçons Inaugurales..


….ET PEUT ETRE MENACE PAR « LA MODERNITE »
Le Collège de France est un trésor inouï : il dispense gratuitement le savoir le plus novateur, celui en train de se faire, au monde entier. Or, lorsque l’on croise certains professeurs, et chercheurs, ils ont l’air soucieux dans ce paradis. Ils partagent l’anxiété de toute la recherche française que la réforme Pécresse bouleverse.
Alors ici, comme ailleurs on se pose des questions. Pourquoi ? Mais parce que l’espace vient à manquer, le financement se rétrécit, ici comme ailleurs, et l’avidité des promoteurs et même de certains organismes publics pour trouver de l’argent est sans fin. Ils appellent cela « adhérer à la modernité » Et les bâtiments somptueux mais anciens et parfois décrépis dédiés au savoir dans cet arrondissement, excitent les convoitises. Pourquoi ne pas excentrer tout ce monde –en plus on le sait les chercheurs et les étudiants ça manifeste, ça bouge, ça crie, ça perturbe le calme du centre de la capitale alors que l’on pourrait construire des palace de luxe, de calme et de volupté sur la colline Sainte-Geneviève qui rapporteraient beaucoup plus que tous ces penseurs !!! Peu à peu, l’idée fait son chemin de vider Paris de ses étudiants pour les installer à l’écart, dans des campus isolés où ils pourraient étudier et manifester sans déranger personnes !

QUE FAIT ON DU COLLEGE DE FRANCE ?

Je comprends mieux les soucis des professeurs du Collège qui sentent une menace diffuse…qui se résume en une question : Que fait-on du Collège ? Première hypothèse : On supprime tous les labos de recherche, on le transforme en un centre de colloques avec des bibliothèques, en somme, une sorte d’Académie de tous les savoirs ? Mais alors c’est la fin de cet établissement unique au monde, ce joyau que possède la France ? Seconde hypothèse : On le conserve ailleurs mais la place de ce joyau au cœur de la capitale est aussi pour une part dans l’attrait qu’il exerce chez les chercheurs étrangers de haut niveau.

CE QUE DISENT LES ANCETRES

Alors quel est l’idéal, me demandai-je en déambulant à l’heure tardive où s’endorment les labos et se taisent les amphis. Il ne ressemblera pas un campus américain aux arbres centenaires, ombrageant d’immémoriales pelouses qui viennent border des bâtiments confortables portant à leur fronton les noms des généreux donateurs. Non, car ces merveilles sont horriblement coûteuses pour les étudiants et le savoir n’a pas de prix outre-atlantique. Ce n’est pas le genre français quoiqu’en pense le souverain actuel et le lieu ne s’y prête pas. Mais nous rêvons d’un campus à la dimension de tout le 5e arrondissement, un arrondissement campus !

Nous rêvons de pouvoir loger tous les étudiants comme autrefois, je veux dire de mon temps, où sur la colline on avait bâti la maison des Bretons, de Calais et d’autres pour les étudiants pauvres ; nous rêvons de bibliothèques suffisamment vastes pour installer tout le monde sans faire la queue sous la pluie, de salle de cinéma gratuite, d’associations culturelles ouvertes pour les étudiants… «Mais ceci c’est le luxe» observe Quinquarborens qui pense essentiellement aux études. « Je suggère une mise en commun des ressources, des possibilités de culture et de convivialité, des restos pas chers, des cafés idem… ». Budé lève le sourcil, «Parlons études, mon ami ! ». En tant qu’ancien « maître de librairie » de François 1er, il sait de quoi, il parle lorsqu’il soulève un problème : « On n’a pas remplacé les PUF ! Guidacerius a longtemps réfléchi avant de soulever le problème fondamental :

« Ils n’arriveront à rien si ils ne mutualisent pas les savoirs et les ressources, c’est justement cela un campus.

Regardez, ici le Collège n’a pas de cellule de valorisation.Il en existe dans d’autres établissements, pourquoi n’y en aurait-il pas une commune, moins chère plus rentable ? »
Budé qui lui aussi s’est beaucoup promené, et qui tient l’enseignement du français pour une des obligations les plus chères à son cœur nous confie : « Vous savez que l’agence de la francophonie est place de la Sorbonne ? Savez-vous qu’ils ont une salle de visioconférence remarquable ? Elle pourrait servir à tout le monde, elle pourrait tourner vingt quatre heures sur vingt quatre, compte tenu des fuseaux horaires où se trouvent les correspondants du Collèges et des autres centres de recherche !!! ». Budé nous laisse bouche bée !

Sauf Quinquarborens, qui comme son nom ne l’indique pas, ne craint pas les arborescences. Du coup, il a très facilement adopté Internet. Il s’écrie : « Et le réseau, vous y avez pensé ? Ils ont cet Internet, cet outil magique. Mais, ils ont chacun leur serveurs, alors qu’ils pourraient communiquer et mutualiser leur serveur…Du reste, j’ai entendu des réunions au plus haut niveau de ces savants, tout ce que compte la Montagne de maîtres et de recteurs. Il y en a toujours un ou deux pour se draper et refuser le consensus ! »

Guidacerius se fâche : « Ne parle pas comme ça de ces hommes qui plus jeunes, en savent tellement plus que toi. Mais il est vrai qu’ils pourraient aussi s’aider ainsi. » Puis soudain, il s’irrite : « Et l’échevin que fait-il ? Il a en sa suzeraineté les plus beaux cerveaux de France et de Navarre, il pourrait organiser des séminaires de haut niveau qui mettraient le Quartier latin en vedette et rapporteraient gros ! ! C’est lui qui pourrait les réunir, proposer la création d’un groupe, une cellule, un chapitre que sais-je pour organiser ces colloques et à terme fortifier leur union… ». « Mes amis, allez donc au Conseil et vous comprendrez tout ! »soupirais-je
Budé me fusille du regard : « Pas de politique. Tu sais ce que ça t’a coûté de parler franc et de dire des choses qu’on ne voulait pas entendre ! ».

Et nous continuons à deviser. L’horloge sonne deux heures du matin…Dans vingt ans, le Collège pourra-t-il fêter son cinq centième anniversaire, intact, diamant à la pointe du savoir ?