samedi 28 mars 2015

À Paris : tous à la cantine, la cantine pour tous !








La brève polémique à Paris sur les tarifs des cantines scolaires a moins retenu l’attention que l’offensive menée, à la veille du premier tour des élections départementales, par le président de l’UMP sur les repas différenciés. Une partie de ses amis l’a désavoué. Pourtant, l’UMP a voté contre une loi qui autorise l’accès de tous à la restauration scolaire.



Afin de mettre fin aux disparités entre arrondissements et dans un souci de justice sociale, Paris a adopté depuis la rentrée scolaire 2010 une grille tarifaire unique. Elle est composée de huit tranches. Le prix d'un repas varie entre 0,13 et 5,10€ en 2014.

A Paris, la municipalité a souhaité augmenter à compter de septembre 2015 la contribution au sommet de la pyramide en créant deux tranches supplémentaires pour les foyers dont les revenus sont compris entre 10.000 et 15.000 euros et ceux dont les revenus sont supérieurs à 15.000 euros. Pour ces familles, le tarif pour les cantines scolaires, actuellement de 5,10 euros, passera à 6 et 7 euros.
Cette décision du Conseil de Paris, de novembre 2014, a été critiquée par la droite. Celle-ci avait déjà bataillé juridiquement, de 2010 à 2014, du Tribunal administratif jusqu’au Conseil d’Etat, contre la fixation des tarifs de cantine par le Conseil de Paris –collectivité qui en a la charge- et non plus par les caisses des écoles. La Ville avait gagné contre les maires d’arrondissement de droite.
Plus surprenant, le préfet de Paris s’est joint à cette nouvelle contestation. Il a demandé en février 2015 à Anne Hidalgo de revoir les tarifs de restauration scolaire dans la capitale. Les délibérations ayant fixé la nouvelle grille tarifaire ne sont pas conformes aux dispositions réglementaires, dans la mesure où le "prix de revient réel des repas y est inférieur au montant qui serait acquitté par les familles payant le tarif le plus élevé". 
La Ville a contesté vigoureusement ce mode de calcul. Le Préfet a battu en retraite. Il s’est rendu aux arguments de la Ville qui avait répliqué en expliquant que le prix de revient des repas pour les caisses des écoles ne couvrait pas la totalité du coût pour la ville, puisqu’il fallait y ajouter les charges directement supportées par la mairie (personnel qui surveille les enfants, achat et entretien du gros matériel de cuisine, aménagements d’hygiènes et de sécurité, et entretien du bâtiment notamment). 

Dans le 5ème, cette position fut défendue vigoureusement par les élus de la majorité municipale au conseil d’arrondissement du 1er décembre 2014, avec une polémique entre Mme Lemardeley et Florence Berthout sur le coût réel d’un repas de cantine. 
La mauvaise foi était bien du côté de la Maire de l’arrondissement car, fort heureusement, les collectivités ne facturent pas les services de cantine à leur coût réel et prennent en charge une fraction très significative, dans l’immense majorité des communes supérieure à la moitié. L’effort des communes a été évalué, dans un rapport parlementaire (sur la garantie du droit d’accès à la restauration scolaire dont il sera question plus loin), à 1,5 milliards (!) d’euros et 3,5 milliards pour les départements et régions. La réelle augmentation de la qualité des repas en raison de la croissance des exigences nutritionnelles a conduit à une forte inflation des coûts de revient. Sans aide des collectivités locales, les tarifs ne seraient tout simplement plus à la portée des classes moyennes et la cantine, facturée au coût réel, deviendrait un luxe. Tel établissement privé du 7ème arrondissement facture ainsi les repas de cantine à 15 euros…

Mais le plus surprenant allait venir, encore une fois, de Nicolas Sarkozy, lequel, à quelques jours du premier tour des élections départementales, a tenté d’instrumentaliser la question des repas différenciés dans les cantines scolaires, troublant son propre camp et y suscitant des réactions hostiles. Les demandes particulières liées à la religion ne représentent qu’une petite minorité des demandes des familles. La prise en compte des allergies et intolérances alimentaires, les demandes de repas végétariens, sont croissantes. Pour justifier le retour au menu unique, les nouvelles municipalités FN ont toutefois instrumentalisé la laïcité, valeur républicaine de rassemblement utilisé comme prétexte pour exclure ! Plutôt que d’exclure le porc, il suffit de proposer des menus sans viande. C’est dans cette nuance que réside la République et la vraie laïcité…

Surtout que la cause première de l’exclusion de la cantine scolaire n’est pas la religion mais bien une raison économique. Depuis des années, de nombreuses mairies, dont Bordeaux, Nice ou Meaux, restreignent l’accès à la cantine des enfants dont les parents ne travaillent pas. 
Le Défenseur des Droits s’est ému de cette discrimination liée souvent au chômage, dans un rapport du 28 mars 2013.
Des propositions de lois ont été déposées par les députés socialistes le 7 février 2012 puis les sénateurs communistes le 25 mai 2012. A nouveau par des députés radicaux de gauche le 21 janvier 2015. 
Une nouvelle proposition de loi a été adoptée par l’Assemblée nationale le 12 mars 2015, l’UMP votant contre. Le texte est équilibré. Il affirme que l’inscription à la cantine scolaire est un droit, tout en préservant le caractère facultatif de la création de ce service public. Si une commune crée une cantine, et elle peut ne pas le faire, alors il ne pourra être établi de discrimination selon la situation de la famille des élèves. Et les communes pourront toujours moduler les tarifs en fonction des revenus des familles.


L’accès de tous les enfants à la restauration scolaires est indispensable. Cet accès quotidien à un repas complet, varié et équilibré, revêt un caractère d’absolue nécessité pour la santé et l’aptitude à étudier des enfants les plus vulnérables. En second lieu, la restauration scolaire remplit très fréquemment une mission d’éducation nutritionnelle et concourt à ce titre à l’objectif de santé publique et aux ambitions de l’éducation. En troisième lieu, les cantines scolaires sont un lieu irremplaçable de socialisation et d’acquisition de règles de vie, d’hygiène et d’autonomie
Il serait intéressant d’avoir l’opinion de la Maire du 5ème arrondissement, prompte à dénoncer les disparités tarifaires, sur les inégalités d’accès à la restauration scolaire que cette initiative législative entend combattre.