mercredi 14 novembre 2012

Affaire Tiberi : récapitulons


La pièce que vous allez certainement appréciée a déjà été jouée plusieurs fois, mais elle reste un chef d’œuvre de tragicomédie politico judiciaire.  

 L’intrigue se déroule en plusieurs épisodes.

                        1èr épisode 1997/2001

Le 23 avril 1997 : un article du Canard Enchaîné dénonce le système de fraude électorale dans le Vème arrondissement de Paris, fief du clan Tiberi.  

Yves Frémion, candidat écologiste aux législatives  et Lyne Cohen Solal , candidate socialiste porte plainte pour "manoeuvres frauduleuses de nature à altérer la sincérité du scrutin". 

Mais le 1er juin 1997: Jean Tiberi est réélu député de la deuxième circonscription de Paris avec 2725 voix d'avance au second tour. 

Cela n’empêche pas l’ouverture le 13 et 19 juin 1997 de deux informations judiciaires suite aux deux plaintes. 

Le 20 février 1998 :   le Conseil constitutionnel valide  l'élection de Jean Tiberi arguant du fait que  le résultat du scrutin n'aurait pas été inversé par la fraude électorale, le nombre d'électeurs suspects étant inférieur à l'écart de voix entre les candidats. 

Mais en Juin et juillet   2000  les  premières  mises  en examens sont prononcées contre

-  Raymond Nentien, secrétaire général de la mairie du Vème. 
 -Xavière Tiberi et d'Anne-Marie Affret, adjointe de Jean Tiberi. 
 - Jacqueline Mokrycki, directrice de Cabinet du maire du Vème arrondissement,
-  Jean-Charles Bardon ancien maire . 

Le 5 juin 2001 : Jean Tiberi est entendu comme témoin assisté. 

2 ème épisode

La Cour d'Appel de Paris annule les mises en examen de Xavière Tiberi et d’Anne-Marie Affret.  

Réplique de  la Cour de Cassation, qui  annule la décision de la Cour d'Appel et rétablit les mises en examen . Et les mises en accusation se poursuivent en 2003/2005 celle  Jean-Charles Bardon

Puis c’est Jean Tibéri lui-même qui en mars 2005 est  mis en examen

 La  fin de l'instruction  en 2005 permet le renvoi le 12 février 2008   des 11 prévenus devant le tribunal sans attendre les réquisitions du parquet. 

                                   3 ème épisode

Le 2 février 2009 : le  procès s’ouvre enfin devant le tribunal correctionnel de Paris.

Le député-maire du 5e arrondissement de Paris, Jean Tiberi est  condamné le 27 mai 2009 par le tribunal correctionnel à dix mois de prison avec sursis, 10 000 euros d'amende et trois ans d'inéligibilité 

L'épouse de M. Tiberi, Xavière, décrite à l'audience comme "omniprésente" à la mairie du 5e, est condamnée, à neuf mois de prison avec sursis et 5 000 euros d'amende. Une peine de neuf mois de prison avec sursis, 1 500 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité a enfin été prononcée à l'encontre de la première adjointe à la mairie du 5e, Anne-Marie Affret.

Pendant trois ans et  les accusé et leurs conseils  utilisent toutes les possibilités du droit pour échapper à leurs sanctions.

                                    4 ème épisode

 
La 4ème épisode se déroule  en Cour d’appel en Novembre 2012, 15 ans après le début de l’affaire des faux électeurs.

Le public a déserté le prétoire. Les 9 avocats conseils sont presque plus nombreux que les spectateurs  
 

Le décor  est nouveau :  la  première chambre de la cour d’appel est digne d’une  salle de bal  (style Napoléon III)  d’une préfecture de province.  Elle date de   l’époque où l’Etat français impérial ou Républicain  dépensait sans compter pour construire les temps de la justice. Le citoyen perdu dans ces ors peut rêver à loisir sur ce  plafond à caisson dorés  où s’envole dans les airs  la  justice nue jusqu’à la taille. Les 5  énormes lustres où  Tarzan et Chita auraient aimé à se balancer  dispensent une lumière jaunâtre pour combattre les grisailles du ciel de  Paris en automne.

 
Les acteurs ont tous un peu vieilli mais  tous sont présents ;

Jean Tiberi,  toujours maire du 5ème arrondissement de Paris, son épouse, et son ex-première adjointe Anne-Marie Affret vont devoir répondre de fraude électorale pour les municipales de 1995 et les législatives de 1997.
 

Parmi les nouveaux personnages  on remarque : le président Bruno Laroche et les  magistrates  s’installés face à la salle  sous une tapisserie des Gobelins aux tons fanés. L’avocat général Bernard de Gouttes siège à leur gauche .

Le ton de cette tragicomédie a aussi changé du coté de la défense des accusés. Les seigneurs  du barreau que sont  Maitre Herzog, Maitre Haïk et Maitre Le Borgne avaient rivalisé lors du premier procès d’effet de manches et  d’exordes hautes en couleurs .

Aujourd’hui les micro semblent  en panne . Même Léon Lef Forster , (avocat de Pasqua , de Strauss-Kahn ),  redoutable ferrailleur  réputé pour être un  boute-en-train devant les bancs de la presse  est bien discret aujourd’hui .


La cour d'appel vient d'annoncer qu'elle refuse de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée lundi . Elle a décidé  ce mardi de ne pas la transmettre à la Cour de cassation. S’en suit alors

une série de nullités de procédure, sur lesquelles les avocats des accusés ferraillent une grande partie de l'après-midi. Le couple Tiberi, par la voix de ses conseils Thierry Herzog puis Léon Lef Forster, conteste notamment la recevabilité des parties civiles, au premier rang desquelles la Mairie de Paris .

 Maitre William Bourdon avocat des parties civiles s’insurge : 

"Les prévenus ont tenté de faire disparaître le procès, et maintenant les parties civiles",  "La seule chose qu'ils ne peuvent faire disparaître, c'est vous, leurs juges"

En 2011 déjà, le procès avait été repoussé de 14 mois en raison d'une QPC déposée par la défense. La cour d'appel de Paris a donc vu les choses autrement cette fois-ci. Les époux et les autres prévenus  vont donc être jugés jusqu'au 21 novembre. 

L’avocat général Bernard de Gouttes rappelle que ce foisonnement de questions préalables conduit à priver de paroles les parties  civiles .Il y aurait alors une atteinte à un procès équitable .Il insiste sur l’argument  de la défense invoquant  « la partialité des  juges » . Ceci ci est  irrecevable, car nous ne sommes pas devant le travail d’un juge, mais devant celui d’un collège de juges . Et puisque nous sommes devant la Cour d’appel de Paris , en droit  il n’y a aucun réquisitoire définitif

Le tribunal de Grande Instance de Paris rejette alors les conclusions déposées par les avocats des prévenus.

Le président Bruno Laroche procède à la lecture des condamnations des différents jugements et annonce l’audition des témoins  pour les jours suivants.