Salah El Mestikawy est chercheur en neurosciences. Il utilise des approches de biologie moléculaire, biochimie et de neuroanatomie pour mieux comprendre les pathologies psychiatriques.
Il dirige une équipe internationale de recherche basée à la fois au Québec à l’Institut Douglas (McGill University, Montréal) et en France à l’Université Pierre et Marie Curie (Paris 6).
En cette période ou un classement reconnu propulse la Ville de Paris meilleure ville étudiante au monde, Etienne Dolet a rencontré ce chercheur de renommée internationale pour parler du site de Jussieu, de la recherche à Jussieu et du 5ème arrondissement …
LE SITE DE JUSSIEU
Jussieu, une image du 5ème dans le monde : une continuité scientifique et environnementale des espaces et une plus grande ouverture sur la ville ?
Il serait souhaitable de réfléchir à l’idée de rejoindre le site de Jussieu et celui du Jardin des Plantes, site du Muséum.
D'un point de vue scientifique, il s'agirait de permettre de fédérer des échanges entre les laboratoires qui se trouvent sur les deux sites, deux structures différentes de chercheurs en sciences, et d’ainsi créer un grand campus sciences (mathématiques, physique, biologie, développement, évolution, éthologie, etc…)
D'un point de vue urbain, la suppression d’une partie de la rue Cuvier qui sépare les deux implantations pourrait être envisagée car cette portion de rue ne dessert aucune habitation. Ce nouvel aménagement pourrait être réfléchi dans le cadre de la réorganisation des flux suite au déplacement de l’entrée principale de Jussieu vers la rue des fossés Saint-Jacques.
Dans le cadre d'un réaménagement urbain du site, il serait également bien d'avoir une réflexion sur les espaces verts internes au site, trop disparates et trop rares.
Le rapport du site à la Seine et aux jardins qui la longent pourrait être revus. Dans notre 5ème arrondissement, il nous faudrait effectivement vraiment "repenser" notre rapport au fleuve et aux jardins : réfléchir en tous les cas dans un premier temps à faciliter, quai Saint-Bernard, le franchissement de la double barrière constituée par le flux des voitures sur le quai et le passage du RER en contrebas : il serait très valorisant pour notre arrondissement d’obtenir une continuité spatiale entre le site de Jussieu et les aménagements des quais Tino Rossi, avec bien sûr une plus grande attention apportée aux déplacements « doux » et piétons.
L'intégration du site de jussieu dans cette nouvelle approche de l’espace urbain permettrait, outre l’intérêt scientifique, de créer une continuité environnementale des espaces verts par rapport à la Seine et une meilleure appropriation par les habitants et usagers de ce lieu à proximité du fleuve.
Cependant, concernant certains espaces, une attention particulière doit être apportée à leur large ouverture sur la ville
Barres Cassan
La barre de laboratoires, dite "barres de Cassan" sur le quai Saint-Bernard, bâtiment regroupant les laboratoires de neurosciences, n’est pas du tout conçue pour recevoir le niveau de technicité nécessaire aux recherches actuelles : absence de monte-charge permettant l’apport des machines, problèmes de désenfumage, absence de ventilation et de climatisation correctes pour les expériences, problèmes électriques, nuisances sonores, etc …
La hauteur du bâtiment nécessiterait qu’il soir classé en "bâtiment de grande hauteur", classement qui impliquerait des mises aux normes du point de vue de la sécurité au feu.
Il faut savoir que la vétusté de certains espaces internes au site de Jussieu donne une image surprenante, parfois négative aux yeux des étrangers chercheurs qui viennent travailler dans ces secteurs de recherche de pointe mondialement connus et reconnus. Il faut agir pour qu'il en soit autrement car il s'agit de notre image dans le monde.
Les habitants du 5ème doivent savoir qu’il y-a une nécessité sécuritaire à ce que le site de Jussieu reste fermé la nuit. Nous avons une réelle problématique de « sécurisation des lieux » : trop nombreux vols d’ordinateurs et de matériel, présence de substances prohibées pouvant attirer, comme dans les hôpitaux, de potentiels toxicomanes, etc ….
LA RECHERCHE EN NEUROSCIENCES A JUSSIEU
L’INSB (Institut National des Sciences Biologiques) est constitué de plusieurs pôles. Parmi ces pôles, le développement et les neurosciences sont d’un très haut niveau.
Le pôle biologie a souffert dans le passé de choix discutables concernant les nominations de chercheurs, cooptations, etc …
L’équipe de direction actuelle a fait un remarquable travail au regard de ces difficultés qu’elle a dû gérer en héritage
Les neurosciences dans le 5ème : une excellence à faire connaitre
Les neurosciences sont très développées dans le quartier : Collège de France, ENS, ESCPI, Salpetrière, Institut du Fer à Moulin, Paris 5 Descartes, etc …
Il est fondamental de garder ces lieux proches les uns des autres et au coeur de Paris. L’éclatement sur le 5ème en différents sites ne semble pas être un réel problème car les échanges se font aussi grâce aux réseaux internet. Les échanges entres les différentes structures sont tout à fait au point et performants.
Très peu d’habitants du quartier savent qu’il existe une remarquable Ecole des Neurosciences de Paris (ENP) rue du Fer à Moulin. L’ENP sélectionne les meilleures équipes en neurosciences et offrent d’encadrer des thèses aux meilleurs étudiants étrangers. C’est une structure qui fonctionne extrêmement bien et qui possède une très grande visibilité et attractivité. Elle se retrouve fréquemment en compétition avec les meilleures universités du monde. Sa puissance tient en partie à la qualité des laboratoires associés mais également indéniablement à sa localisation à Paris dans le 5ème arrondissement.
Une problématique récurrente et handicapante dans notre arrondissement : le logement des chercheurs
Le problème principal, récurrent, de notre arrondissement reste encore la pénurie de logements pour les chercheurs qui viennent du monde entier dans le 5ème. Lors de la restructuration du site, des logements temporaires ont été prévus et aménagés pour les chercheurs de passage, mais ils sont encore trop peu nombreux et restent donc très difficile à obtenir. Cette pénurie rend particulièrement compliqué l’accueil de chercheurs de renoms qui préfèrent du coup d’autres villes de France ou même d’autres pays européens plus accessibles dans la vie quotidienne.
Il est absolument vital pour notre arrondissement universitaire de renommée mondiale, que par exemple la restructuration du site de Censier prenne en compte ce problème des logements de chercheurs de passage à Paris.
Il serait peut-être aussi possible de construire des logements pour les chercheurs et étudiants de Jussieu sur les terrasses hautes du Jardin Tino Rossi. Ces terrasses hautes sont effectivement la plupart du temps désertées des promeneurs car trop proches de la voie routière.
Terrasses hautes
Une réflexion à propos de la conservation de liens avec les anciens étudiants du 5ème
Il serait également très profitable pour le 5ème arrondissement de réfléchir à promouvoir les associations d’anciens étudiants extrêmement actifs à l’étranger, et malheureusement bien moins en France.
La conservation de liens et la valorisation par le 5ème arrondissement de ces anciens étudiants ayant travaillés, habités, vécus dans le quartier permettraient sans aucun doute d’assurer des retombées économiques, y compris à long terme, non négligeables. Effectivement, ces anciens étudiants une fois retournés dans leurs pays d'origine restent la plupart du temps extrêmement attachés au 5ème arrondissement auquel ils doivent souvent beaucoup.