Rythmes scolaires : les animateurs ne veulent pas être les
laissés-pour-compte de la réforme à Paris
Ils sont,
autant que les enseignants rappellent-ils, concernés par la réforme des rythmes
scolaires dont on ne sait plus si elle doit, à Paris, être mise en place en
septembre 2013 ou en septembre 2014. Ils ont, eux aussi, la responsabilité des
écoliers, mais sur des « temps périscolaires » dont l’amplitude
horaire doit augmenter de trois-quarts d’heure par jour, une fois que la semaine
de 4,5 jours d’école sera rétablie. Et ils sont aujourd’hui inquiets à plus
d’un titre : inquiets du peu de considération qu’enseignants et parents
leur témoignent - ou qu’ils ressentent comme tel. Inquiets de voir leur parole
confisquée dans un débat qui oppose essentiellement la Ville de Paris - leur
employeur - aux professeurs des écoles. Inquiets, enfin, que la réforme voulue
par le ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, et qui pourrait être
une occasion de « déprécariser » et réhabiliter leur profession, se
décide sans eux, ou presque. Pour toutes ces raisons, les animateurs des
centres de loisirs parisiens sont appelés à faire grève, ce mercredi 20
février, par l’UNSA-Animation. Objectif : «
Que les animateurs ne soient pas les laissés-pour compte de l’aménagement des
rythmes scolaires », explique Jean-Pierre Lubek, secrétaire de
l’UNSA-Animation.
Votre
organisation syndicale n’a pas participé aux journées de mobilisation des
enseignants parisiens contre la réforme des rythmes scolaires. Pourquoi faire
grève aujourd’hui, un peu « de votre côté » ?
Que ce
soit clair, nous ne nous opposons pas à la mise en œuvre de cette réforme à
Paris. La question de la date - 2013 ou 2014 - dépend de l’académie et du
maire. Ce que nous voulons c’est qu’un « schéma directeur » de
l’organisation de la journée et de la semaine scolaires soit défini le plus
rapidement possible. En tant qu’intervenants au sein de l’école, les animateurs
ont leur contribution à apporter dans le débat sur les rythmes. Pourtant,
l’animation a été largement marginalisée - voire exclue - de toutes les
concertations sur le sujet ces dernières années, et nous avons dû jouer des
coudes pour livrer une expression minimale de nos points de vue. La réforme
telle qu’elle se dessine aujourd’hui demande un effort de rigueur et de
formation considérable. Ce sont les animateurs et les cadres de l’animation
parisienne qui devront la mettre en place, globalement et école par école. Nous
estimons que cela nous donne le droit de poser certaines exigences vis-à-vis de
la municipalité : amélioration des conditions de recrutement, mise en
place de contrats de travail attractifs, application des nouvelles normes
d’encadrement des enfants, remise à niveau de certains cadre statutaires en
fonction d’un rôle nouveau donné aux directeurs de centres de loisirs durant
les temps périscolaires. Notre grève vise à ce que ces exigences soient bien
prises en compte par la Mairie de Paris.
La Mairie
de Paris semblait privilégier un allongement de trois quarts d’heure de la
pause méridienne pour organiser des activités périscolaires de 13 h 30 à 14 h
15, plutôt que de 15 h 45 à 16 h 3 0. Elle paraît aujourd’hui hésiter. Quel
« scénario » a votre préférence ?
Nous
prenons fermement position contre la mise en place d’un créneau périscolaire
après la fin des cours, à 15 h 45. Ce dispositif est quasiment impossible à
mettre en œuvre dans de bonnes conditions, et placerait les animateurs en
position d’échec professionnel. Le créneau 13 h 30-14 h 15 a, lui, la défaveur
des enseignants. On peut aussi le comprendre. Rester en « stand-by »
pendant trois heures dans l’école ou à l’extérieur de l’école n’a rien
d’attrayant. Il est illusoire de penser qu’une « animation » de
qualité puisse être mise en œuvre sur une durée de 45 minutes. En réalité, nous
pensons qu’aucun de ces deux scénarios n’est viable. C’est pourquoi nous
demandons au recteur de l’académie et au maire d’ouvrir d’autres possibilités
par le biais des dérogations autorisées par le décret du 26 janvier. Nous
demandons à ce que dès maintenant soit organisée sous leur tutelle une réunion
avec l’ensemble des organisations syndicales enseignantes et animateurs et
fédérations de parents d’élèves afin d’imaginer une organisation de la journée
et de la semaine ou l’articulation temps scolaire et périscolaire puisse être
porteuse de sens et favorable aux enfants. Cela peut sembler utopique
compte-tenu du climat ambiant. Il faut que les organisations enseignantes
parisiennes cessent cette « fuite en avant » symbolisée par la seule
demande du report de l’application de la reforme ou de l’abrogation du décret.
Il ne faut pas mélanger les problèmes réels que pose l’ensemble de la réforme
au niveau national et que seul le ministre peut régler avec la nécessité de
faire évoluer les rythmes scolaires à Paris, reconnue nécessaire par l’ensemble
de la communauté éducative.
On a
entendu beaucoup d’enseignants, beaucoup de parents d’élèves également mettre
en doute la qualité de la prise en charge des écoliers durant la pause de midi
mais aussi le mercredi en centre de loisirs. Que répondez-vous à ces
critiques ?
Nous ne
voulons pas rentrer dans une guerre de « catégorie professionnelle ».
La crise du périscolaire est une réalité : à Paris, nous somme 1 500
animateurs titulaires - et donc stables -, 500 contractuels, et… quelque
8 000 vacataires dont la formation ne peut être correcte tant le turn-over
est important. On trouve de tout parmi ces milliers de vacataires : des
étudiants mais aussi des quadragénaires qui font de la « surveillance »
(et non de « l’animation ») pour échapper au chômage, sans en avoir
nécessairement les qualités nécessaires. On ne peut pas nier que l’encadrement
de la pause méridienne pose problème, d’autant que les petits Parisiens sont
très nombreux à déjeuner à la cantine – plus de 113 000. Une réforme
augmentant les plages périscolaires ne peut exister que si elle apporte des
solutions concrètes à une situation déjà dégradée. Le centre de loisirs du
mercredi est beaucoup moins contesté. Les enfants de Paris les plus défavorisés
en profitent vraiment. C’est la raison pour laquelle nous défendons le maintien
de cette journée de centre de loisirs, et recommandons d’opter pour la demi
journée d’école supplémentaire le samedi matin.
La Mairie
de Paris a donné des gages en ce sens, indiquant qu’elle était prête à
consacrer « les moyens budgétaires à la hauteur des
enjeux »… Effectivement, elle a affirmé que 11,5 millions d’euros avaient
déjà été provisionnés. Mais des zones d’ombre demeurent. Nous réclamons une
augmentation substantielle du nombre de titulaires et de contractuels – avec au
moins 1 000 postes de permanents supplémentaires. Nous attendons d’en
savoir plus sur l’assouplissement des taux d’encadrement, la
« déprécarisation », la fidélisation et la formation des personnels d’animation.
Nous espérons, enfin, qu’un partenariat plus favorable que celui qui existe
actuellement puisse se nouer, au sein de l’école, entre enseignants et
animateurs. Ces-derniers ont, souvent, le sentiment qu’on ne les considère pas.
Ou si peu…
Existe-t-il
une spécificité de l’animation à Paris ?
La
situation parisienne offre une spécificité liée notamment à son dimensionnement
(plus de 650 écoles, 360 centres de loisirs) et à l’existence d’un périscolaire
géré directement par la Mairie, qui mobilise plus de 2 000 postes budgétaires.
Les centres de loisirs parisiens, contrairement à ceux de nombreuses autres
villes, sont implantés au sein même des établissements scolaires et ne
disposent donc pas d’infrastructures propres. Or les locaux scolaires sont totalement
inégaux d’une école à l’autre. C’est un sujet tabou qu’il faut mettre sur la
table si l’on ambitionne pour le futur un périscolaire de qualité.
2013 ou
2014 : quelle serait selon vous le bon « tempo » pour réformer
les rythmes ?
Notre
réponse dépend beaucoup des moyens qui seront alloués par la Ville !
Evidemment que mettre en œuvre la réforme dès 2013 nous laisse très peu de
temps, mais s’il faut le faire, autant accompagner le mouvement ! L’idéal
serait de disposer dès maintenant, avant les vacances d’été, d’un schéma
directeur, acté par tous. Mais avoir toute l’année scolaire 2013-2014 ne serait
pas du luxe pour régler posément tous les problèmes afférent à sa mise en
place.
Propos
recueillis par Mattea Battaglia
http://lemonde-educ.blog.lemonde.fr/2013/02/20/rythmes-scolaires-les-animateurs-ne-veulent-pas-etre-les-laisses-pour-compte-de-la-reforme-a-paris/