jeudi 21 février 2013

Rytmes scolaires; les positions de chacun


Rythmes scolaires : les animateurs ne veulent pas être les laissés-pour-compte de la réforme à Paris

 Ils sont, autant que les enseignants rappellent-ils, concernés par la réforme des rythmes scolaires dont on ne sait plus si elle doit, à Paris, être mise en place en septembre 2013 ou en septembre 2014. Ils ont, eux aussi, la responsabilité des écoliers, mais sur des « temps périscolaires » dont l’amplitude horaire doit augmenter de trois-quarts d’heure par jour, une fois que la semaine de 4,5 jours d’école sera rétablie. Et ils sont aujourd’hui inquiets à plus d’un titre : inquiets du peu de considération qu’enseignants et parents leur témoignent - ou qu’ils ressentent comme tel. Inquiets de voir leur parole confisquée dans un débat qui oppose essentiellement la Ville de Paris - leur employeur - aux professeurs des écoles. Inquiets, enfin, que la réforme voulue par le ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, et qui pourrait être une occasion de « déprécariser » et réhabiliter leur profession, se décide sans eux, ou presque. Pour toutes ces raisons, les animateurs des centres de loisirs parisiens sont appelés à faire grève, ce mercredi 20 février, par l’UNSA-Animation. Objectif : « Que les animateurs ne soient pas les laissés-pour compte de l’aménagement des rythmes scolaires », explique Jean-Pierre Lubek, secrétaire de l’UNSA-Animation.
Votre organisation syndicale n’a pas participé aux journées de mobilisation des enseignants parisiens contre la réforme des rythmes scolaires. Pourquoi faire grève aujourd’hui, un peu « de votre côté » ?

Que ce soit clair, nous ne nous opposons pas à la mise en œuvre de cette réforme à Paris. La question de la date - 2013 ou 2014 - dépend de l’académie et du maire. Ce que nous voulons c’est qu’un « schéma directeur » de l’organisation de la journée et de la semaine scolaires soit défini le plus rapidement possible. En tant qu’intervenants au sein de l’école, les animateurs ont leur contribution à apporter dans le débat sur les rythmes. Pourtant, l’animation a été largement marginalisée - voire exclue - de toutes les concertations sur le sujet ces dernières années, et nous avons dû jouer des coudes pour livrer une expression minimale de nos points de vue. La réforme telle qu’elle se dessine aujourd’hui demande un effort de rigueur et de formation considérable. Ce sont les animateurs et les cadres de l’animation parisienne qui devront la mettre en place, globalement et école par école. Nous estimons que cela nous donne le droit de poser certaines exigences vis-à-vis de la municipalité : amélioration des conditions de recrutement, mise en place de contrats de travail attractifs, application des nouvelles normes d’encadrement des enfants, remise à niveau de certains cadre statutaires en fonction d’un rôle nouveau donné aux directeurs de centres de loisirs durant les temps périscolaires. Notre grève vise à ce que ces exigences soient bien prises en compte par la Mairie de Paris.

La Mairie de Paris semblait privilégier un allongement de trois quarts d’heure de la pause méridienne pour organiser des activités périscolaires de 13 h 30 à 14 h 15, plutôt que de 15 h 45 à 16 h 3 0. Elle paraît aujourd’hui hésiter. Quel « scénario » a votre préférence ?
Nous prenons fermement position contre la mise en place d’un créneau périscolaire après la fin des cours, à 15 h 45. Ce dispositif est quasiment impossible à mettre en œuvre dans de bonnes conditions, et placerait les animateurs en position d’échec professionnel. Le créneau 13 h 30-14 h 15 a, lui, la défaveur des enseignants. On peut aussi le comprendre. Rester en « stand-by » pendant trois heures dans l’école ou à l’extérieur de l’école n’a rien d’attrayant. Il est illusoire de penser qu’une « animation » de qualité puisse être mise en œuvre sur une durée de 45 minutes. En réalité, nous pensons qu’aucun de ces deux scénarios n’est viable. C’est pourquoi nous demandons au recteur de l’académie et au maire d’ouvrir d’autres possibilités par le biais des dérogations autorisées par le décret du 26 janvier. Nous demandons à ce que dès maintenant soit organisée sous leur tutelle une réunion avec l’ensemble des organisations syndicales enseignantes et animateurs et fédérations de parents d’élèves afin d’imaginer une organisation de la journée et de la semaine ou l’articulation temps scolaire et périscolaire puisse être porteuse de sens et favorable aux enfants. Cela peut sembler utopique compte-tenu du climat ambiant. Il faut que les organisations enseignantes parisiennes cessent cette « fuite en avant » symbolisée par la seule demande du report de l’application de la reforme ou de l’abrogation du décret. Il ne faut pas mélanger les problèmes réels que pose l’ensemble de la réforme au niveau national et que seul le ministre peut régler avec la nécessité de faire évoluer les rythmes scolaires à Paris, reconnue nécessaire par l’ensemble de la communauté éducative.

On a entendu beaucoup d’enseignants, beaucoup de parents d’élèves également mettre en doute la qualité de la prise en charge des écoliers durant la pause de midi mais aussi le mercredi en centre de loisirs. Que répondez-vous à ces critiques ?

Nous ne voulons pas rentrer dans une guerre de « catégorie professionnelle ». La crise du périscolaire est une réalité : à Paris, nous somme 1 500 animateurs titulaires - et donc stables -, 500 contractuels, et… quelque 8 000 vacataires dont la formation ne peut être correcte tant le turn-over est important. On trouve de tout parmi ces milliers de vacataires : des étudiants mais aussi des quadragénaires qui font de la « surveillance » (et non de « l’animation ») pour échapper au chômage, sans en avoir nécessairement les qualités nécessaires. On ne peut pas nier que l’encadrement de la pause méridienne pose problème, d’autant que les petits Parisiens sont très nombreux à déjeuner à la cantine – plus de 113 000. Une réforme augmentant les plages périscolaires ne peut exister que si elle apporte des solutions concrètes à une situation déjà dégradée. Le centre de loisirs du mercredi est beaucoup moins contesté. Les enfants de Paris les plus défavorisés en profitent vraiment. C’est la raison pour laquelle nous défendons le maintien de cette journée de centre de loisirs, et recommandons d’opter pour la demi journée d’école supplémentaire le samedi matin.
La Mairie de Paris a donné des gages en ce sens, indiquant qu’elle était prête à consacrer « les moyens budgétaires à la hauteur des enjeux »… Effectivement, elle a affirmé que 11,5 millions d’euros avaient déjà été provisionnés. Mais des zones d’ombre demeurent. Nous réclamons une augmentation substantielle du nombre de titulaires et de contractuels – avec au moins 1 000 postes de permanents supplémentaires. Nous attendons d’en savoir plus sur l’assouplissement des taux d’encadrement, la « déprécarisation », la fidélisation et la formation des personnels d’animation. Nous espérons, enfin, qu’un partenariat plus favorable que celui qui existe actuellement puisse se nouer, au sein de l’école, entre enseignants et animateurs. Ces-derniers ont, souvent, le sentiment qu’on ne les considère pas. Ou si peu…

Existe-t-il une spécificité de l’animation à Paris ?
La situation parisienne offre une spécificité liée notamment à son dimensionnement (plus de 650 écoles, 360 centres de loisirs) et à l’existence d’un périscolaire géré directement par la Mairie, qui mobilise plus de 2 000 postes budgétaires. Les centres de loisirs parisiens, contrairement à ceux de nombreuses autres villes, sont implantés au sein même des établissements scolaires et ne disposent donc pas d’infrastructures propres. Or les locaux scolaires sont totalement inégaux d’une école à l’autre. C’est un sujet tabou qu’il faut mettre sur la table si l’on ambitionne pour le futur un périscolaire de qualité.

2013 ou 2014 : quelle serait selon vous le bon « tempo » pour réformer les rythmes ?
Notre réponse dépend beaucoup des moyens qui seront alloués par la Ville ! Evidemment que mettre en œuvre la réforme dès 2013 nous laisse très peu de temps, mais s’il faut le faire, autant accompagner le mouvement ! L’idéal serait de disposer dès maintenant, avant les vacances d’été, d’un schéma directeur, acté par tous. Mais avoir toute l’année scolaire 2013-2014 ne serait pas du luxe pour régler posément tous les problèmes afférent à sa mise en place.

Propos recueillis par Mattea Battaglia
http://lemonde-educ.blog.lemonde.fr/2013/02/20/rythmes-scolaires-les-animateurs-ne-veulent-pas-etre-les-laisses-pour-compte-de-la-reforme-a-paris/