Mes chers concitoyens et lecteurs fidèles,
500 ans sont parfois durs à porter, les os ont du mal à soutenir ma carcasse et j’ai dû , ces derniers jours, m’occuper de mon squelette, (j’ai même trouvé secours auprès de médecins chinois) d’où le retard avec lequel je rends compte de ma visite au Conseil des Echevins. Je m’y rendais pour la première fois, et j’ai eu bien des surprises, bien des étonnements. Vous comprendrez n’est ce pas ?…Je vous raconte donc ce conseil tel que le vieux fantôme que je suis, l’a vu. Nul doute que vous vous gaussiez mais pensez que dans ces affaires là, je ne suis qu’un naïf !
Evidemment, 500 ans, ne changent rien à l’affaire, seuls les mots sont différents : les échevins en robe rouge de mon temps ont laissé la place à des hommes et des femmes (en cheveux, sans coiffe mais avec des braies comme les hommes !!!) assis en rond autours de tables en fer à cheval.
N’importe qui peut venir. Et comme autrefois, j’ai retrouvé les mégères du quartier, les pauvres, les vieux qui aimeraient dire leur mot mais sont réduits au silence –c’est la règle-. J’ai bien regardé autour de moi : j’ai reconnu à l’air satisfait qu’ils prennent lorsqu’il parle, beaucoup de partisans du Président de l’assemblée. Maintenant vous dîtes le Maire. Imaginez le avec robe rouge et hermine et le même sourire avec un large espace entre les deux canines. On dit que ce sont les dents de la chance. Il en a beaucoup, on m’a dit qu’il siège depuis quarante ans… C’est un homme puissant. Il dit « je » et on sait que c’est lui décide de tout. Son assemblée paraît docile. A sa droite une petite femme, l’air finaud, qui ne pipe mot. A sa gauche, un homme à besicles noires qui rouscaille parfois lorsqu’il sent que flotte un désaccord sur ce que dit « Son Maire ».
À côté de « Besicles », un grand pâlot aux cheveux noirs, qui ne cesse de griffonner sur un grimoire et parfois jette sur l’assemblée un regard vague. A côté de « Finaude », un autre brun, jeune celui-là. On me dit que c’est le fils de l’échevin. J’en déduis que s’il siège si près du père, c’est qu’il est promis à un bel avenir. De mon temps l’héritier du seigneur avait droit à la suzeraineté, aux profits (pas aux pertes assumées par les vassaux), bref, le fils du seigneur, serait seigneur à son tour…J’entends de ci de là, dire que de ce point de vue, sur la colline sainte Geneviève, ces traditions demeurent. Mais ce ne sont que ragots , ne sommes nous pas en démocratie ?
A la gauche du maire, il y a siégeant à une table perpendiculaire, trois personnes, un homme deux femmes silencieux et graves. « C’est l’opposition » m’explique un jeune homme qui me prend pour un voyageur de passage, étranger à toute l’affaire. « Ce sont les seuls qui discutent les ordres du maire. Ils sont seuls contre tous les autres ! ». Ils ont fort à faire peu de moyens !
Alors ce conseil ?
Je l’imaginais comme une réunion des Sages qui prennent des décisions vitales pour notre vie quotidienne… Errare humanum est ! Je me suis retrouvé dans séance parfois soporifique, parfois une arène, mais en tout cas chacun « recita a soggetto ».
Revenons cependant au Conseil !
Voici le « programme » qui n’a pas été tambouriné sur la place Mouffetard et Maubert mais comme on fait aujourd’hui « sur le site web ». :
1. Elaboration / mise en révision du Plan Local d’Urbanisme de Paris. Approbation objectifs poursuivis et modalités de concertations (Mme G Audemar).
2. Signature d’une convention avec l’office du Mouvement sportif du 5ème arrondissement – subvention de 10.000 € (M D Tiberi) 3. Attribution d’une subvention annuelle de fonctionnement à 10 Associations sportives du 5ème arrondissement pour 13.900 € (M D Tiberi) 4. Attribution d’une subvention de 20.000 € à l’association village Mouffetard, association de commerçants du bas Mouffetard pour l’illumination de fin d’année 2008. (M D Tiberi) 5. Communication de la liste d’attribution des logements réservés à la Ville de Paris dans le 5ème arrondissement au titre de l’année 2008 (Mme G. Audemard) 6. Signature de contrat de subvention du Comité d’entreprise Caisses d’Epargne île de France pour le centre « La clé » pour un montant de 24.000 € 7. Subvention de 15.000 € à Images d’ailleurs pour le centre « La clé ».
8. Autorisation de déposer un permis de construire pour le lancement d’un marché pour la couverture du cours de tennis de la rue Poliveau 9. Autorisation à la Mairie de Paris de signer avec la Societé Sanef Saba Parking France la convention de concession pour la modernisation et l’exploitation du parking Lagrange (concession de 12 ans)
Qu’est il resté dans ma cervelle ?
Beaucoup de dossiers portent sur l’attribution d’argent à des associations certainement utiles et sérieuses, mais… sans que l’on nous dise à quoi l’argent attribué va être utilisé, s’il s’intègre dans un plan structuré et bâti dans le temps…Chaque projet ou demande est lu,puis le maire dit « Des questions ? ». Il n’y en a guère. Parfois, la dame bouclé comme un jeune pâtre, chef de l’opposition lance une phrase pour corriger un mot, une date, le maire soupire, ricane, s’indigne. Entre ces deux là, c’est bisbille et bisbrouille depuis une décennie et on voit bien que le contentieux ne s’apurera qu’après une bonne baston. Mais ce ne se fait plus. Pourtant ils en meurent d’envie, alors ils se chicorent d’un mot, de deux, de discussions où « Besicles Noires » intervient d’un coup de gueule comme le chien de garde de son maître gronde avant de mordre.
Mais en gros tout reste calme. Et cahin, caha, on vote à main levée oui, oui, oui pour chaque chapitre.
L’avant-dernier dossier portant sur la modernisation d’un parc de stationnement souterrain rue Lagrange et sur la convention d’exploitation associée, ( rue Lagrange, si près de la Place Maubert où l’on m’a « grillé ») fait soupirer tout le monde : faut-il payer si cher pour ranger sa carriole ? Apparemment ma place Maubert est devenue un lieu très chic et les prix montent !
Mais le morceau choisi, les amis, a été la présentation du point concernant les logements.
On aurait dit que les échevins l’avaient gardé pour la fin, souhaitant l’expédier bien fait vite fait. C’est une blonde que l’on n’avait guère entendue jusque là qui entreprend la lecture du rapport de la commission des logements. Elle annone, elle bafouille et se trompe dans la lecture des chiffres (53 logement pour 2008, 22 attribués par le Maire du 5ème, 21 par le Maire de Paris via la Commission d’attribution).
Soudain, le conseil se réveille. Le jeune pâtre monte au créneau, son micro devient rouge.
Elle explique comment dans notre arrondissement, malgré un vœu unanimement voté en 2001, ce n’est qu’en 2008 que la commission d’attribution des logements dans le 5ème s’est réunie pour la première fois et cette commission n’examine pas tous les dossiers qui sont en attente, mais seulement ceux qui ont été sélectionnés, au préalable, par le cabinet du Maire. Le maire s’énerve, montre les dents littéralement, « Bésicles Noires » rouscaille de plus belle, un grand fade se met à parler en latin, le « Pâlot » s’énerve et dit qu’il s’y connaît en chiffres…Et les spectateurs, regardent en experts habitués de la chose : c’est toujours le maire qui gagne à la fin car c’est lui qui finit par dire « La séance est levée » quand le hourivari atteint son comble, qu’une harangère brune surgie à côté de « Pâlot »invective à bas bruit le jeune pâtre ! Je ne sais pas du tout qui sont tous ces gens, de braves gens sans doute préoccupés du bien de notre Quartier Latin…Mais alors pourquoi ne pas offrir aux plus démunis des logements dignes de ce nom ? De mon temps, les pauvres n’étaient pas logés, mais mon époque, vous l’auriez jugée sauvage !
Et puis, moi je ne suis pas un expert en la matière, mais je trouve étrange qu’une « Commission d’attribution » regarde seulement des dossiers « pré sélectionnées » par d’autres….
On m’avait appris qu’il suffit de mettre un borgne parmi des aveugles …et il paraîtra « avoir une bonne vue » !
Adieu les amis, bientôt je vous compterai le Conseil de Quartier Sorbonne !
Etienne Dolet