vendredi 23 janvier 2015

L’affaire des faux électeurs du 5ème : le hold-up du clan Tiberi




Ou comment pendant plus d’une décennie, 
des milliers d'électeurs faussement inscrits sur les listes électorales du 5ème arrondissement 
ont pu voter pour Jean Tiberi !








Alors que, ces jours derniers, se déroule l’audience des époux Tiberi devant la cour de cassation, il est triste de rappeler dans un Etat de droit que leur condamnation traîne depuis bientôt 18 ans, pendant lesquels les Tiberi ont épuisé tous les recours et surtout pendant lesquels Jean Tiberi a continué d’exercer ses mandats sans être inquiété ! En effet, les premières révélations dans le Canard Enchainé datent de 1997 !

Pour comprendre comment un tel scandale a pu s’organiser et demeurer impuni pendant si longtemps, il faut se remémorer l’époque où Paris était la capitale de la chiraquie et le Ve arrondissement, son tremplin

Jean Tiberi, natif de cet arrondissement prestigieux, dont le « Quartier Latin » est connu dans le monde entier avec ses universités, ses grandes écoles, ses écrivains, ses artistes, etc. en est le député depuis 1968. Il est aussi le plus fidèle lieutenant de Jacques Chirac
Lorsque celui-ci échoue à la Présidentielle de 1988, il donne la consigne de mobiliser tous les arrondissements de Paris, dans l’espoir de voir basculer à droite les arrondissements de gauche de la capitale lors des élections municipales de 1989. Tous les moyens sont permis pour y parvenir. C’est ce que ses proches collaborateurs de l’époque ont appelé la « transfusion sanguine » : faire inscrire des militants RPR habitant les autres arrondissements dans ceux qu’il fallait faire basculer, en leur attribuant de fausses adresses. Et c’est un succès ! Avec cette magouille de grande envergure, Chirac réalise le grand chelem !

Puis, lorsque Chirac est élu Président de la République en 1995, Tiberi devient le maire du Ve arrondissement. On assiste alors à un véritable hold-up : tous les pouvoirs (Préfet de Paris, Procureur, Maire de Paris, le Président de la République…) étant aux mains des chiraquiens, la justice est tenue éloignée du 5ème. 

En avril 1997 après l’hasardeuse dissolution décidée par Jacques Chirac, de nouvelles Législatives sont remportées par la Gauche. Dans la débandade générale des législatives de 1997, Tiberi est cependant parvenu à être réélu député mais avec seulement 2500 voix d'avance.
C’est à ce moment qu’ont lieu les révélations des faux électeurs par Le Canard Enchainé qui titre « Comment le clan Tiberi a topé les listes électorales dans son fief… »

Ainsi, on retrouve des centaines d’électeurs issus du RPR, proches et amis ou membres de la famille Tiberi, aux adresses farfelues telles que le 373 rue Saint-Jacques où 11 personnes étaient domiciliées dont un certain Shakespeare (!) alors que ce numéro n’existe pas !
S’y ajoutent des témoignages d’électeurs auxquels on a promis un logement, un emploi à la Ville de Paris, ou une place en crèche en échange d’une voix pour Tiberi lors des élections. 

Les militants socialistes de l’époque sont alertés notamment par le fait que de nombreux journaux de campagne adressés aux électeurs leur revenaient non distribués car leurs destinataires étaient inconnus à cette adresse ! Ils ont alors mené une enquête titanesque à partir des listes électorales.

Deux plaintes sont déposées. Une par le candidat écologiste pour « manœuvre frauduleuse de nature à altérer la sincérité du scrutin » et l'autre par la candidate socialiste Lyne Cohen-Solal afin de remettre en cause le résultat du vote et de dénoncer une atteinte grave à la démocratie en plein cœur de Paris !

Saisi, le Conseil constitutionnel a mollement constaté que l’écart de voix n’est pas significatif : 804 faux électeurs avérés pour 2500 voix d’avance. Il conclut que la fraude n’avait pas eu de réelle influence sur le vote. Le juge pénal n'aurait pas été saisi du dossier de fraude électorale constaté par le Conseil constitutionnel sans la mobilisation de certains électeurs de notre arrondissement auxquels il faut rendre hommage pour leur ténacité et leur détermination.

Car grâce à eux, les preuves accablantes commencent à s’accumuler. Une information judiciaire est enfin ouverte. Elle dure, ou plutôt on la fait durer, pendant des années pour mettre à jour une véritable entreprise massive de fraude et de détournement de votes : procurations de complaisance, votants morts (décédés parfois depuis plusieurs années !), etc.

Les époux Tiberi et Anne-Marie Affret, alors 1ère adjointe sont, avec d’autres, mis en examen en mars 2005, condamnés une première fois en 2009, puis en appel en 2011, à 10 mois de prison avec sursis, 10 000 euros d'amende et 3 ans d'inéligibilité pour Jean Tiberi et à 9 mois de prison avec sursis, 5 000 euros d'amende et deux ans de privation de vote pour son épouse Xavière, qui a joué durant des années un rôle, bien connu de tous les habitants, de vice-maire.
Niant l'évidence, Xavière Tiberi a toujours affronté la presse en se drapant dans sa supposée vertu en dénonçant les manœuvres politiques, dont son époux et elle seraient victimes.

Cependant, Jean Tiberi conserve son mandat après avoir fait appel en 2011Ils déposent encore plusieurs recours de procédure devant le Conseil constitutionnel. Mais, en 2013, la Cour d’appel confirme la peine prononcée en 2011
Dernier recours : les Tiberi se pourvoient en cassation : nous savons aujourd’hui que la réponse définitive sera rendue en mars 2015 !


Il ne manquerait plus alors que ces abonnés des prétoires déposent un nouveau recours devant la Cour européenne des droits de l'Homme pour lenteur excessive de la justice qu'ils ont eux-mêmes organisée !